Les boys band. Voilà un genre vraiment issu de nos jeunes années honteuses. Tellement honteuses qu’aujourd’hui, ils ont pour ainsi dire disparu. Pas complètement toutefois, puisqu’ils préfèrent maintenant avancer masqués pour se présenter sous d’autres formes… Visite guidée de ces nouvelles têtes.
Alliage, 2Be3, Poetic Lovers… Voilà des noms qui fleurent les années 1990 aussi sûrement que caramail, Tatoo ou Kiss Cool. Alors qu’à cette époque la jeune fille prépubère lambda énamourait de ces bandes de djeuns au physique plus avantageux que leur organe (vocal), ceux-ci ont désormais presque totalement disparu des radars. Désormais, le nouvelle génération de jeunes filles prépubères préfère s’extasier sur les exploit d’un Matt Pokora ou d’un Justin Bieber. Les époques changent, le nombre de chanteurs par groupe aussi, mais pas la soupe musicale. Certes aujourd’hui disparus (parfois corps et âmes pour certains), les boys band ont toutefois leur prolongation. Le style a simplement changé.
L’exemple le plus évident concerne les BB Brunes. Il faut bien l’avouer, leur premier album Blonde comme moi donnait le vertige par le vide de ses textes. Mais tout de même, la bande des quatre avait un petit quelque chose de plus : des musiques bien balancées. Les années passent, celles-ci se font de plus en plus raffinées alors que les textes effraient de moins en moins. On peut même trouver maintenant quelque habileté dans les rimes et jeux de mots. De plus en plus fardés comme des rock star, les BB Brunes parviennent à assurer la qualité de leur production, album après album… Même s’ils n’ont toujours pas grand-chose à dire en interview !
Sortie il y a six mois, l’édition collector de leur album Long Courrier affirme leur maturité. A l’image d’Alain Chamfort, Salvatore Adamo ou Eddy Mitchell, ils se plient en effet à l’exercice de l’album de duos. En l’occurrence six titres réinterprétés avec Benjamin Biolay, Keren Ann, HollySiz, Oxmo Puccino, Vanessa Paradis ou Carl Barat. Bien entendu, l’effet marketing de ce subterfuge habituellement destiné à remonter la carrière d’un soixantenaire bien tassé marche à plein. Il n’empêche que le son est bon et les textes écoutables. Le groupe est donc parvenu à passer du statut de boys band à celui de gendre idéal… Chapeau, ce n’est pas donné à tout le monde !
Le succès de BB Brunes ne laisse bien entendu pas tout le monde indifférent. Dissonant Nation a donc repris la recette, dans une formule un peu plus rock. Remplacez « Houna » par « Alice » (non, pas le Alice ça glisse de Francky Vincent). Ajoutez un riff de guitare électrique qui court du début à la fin du titre. Enlevez les quelques vulgarités dignes d’Elmer Food Beat (« de la place pour trois« ). Remuez le tout. C’est prêt. A côté de ça, leur Barbie et Ken rappelle un peu le Cendrillon de Téléphone. Dissonant Nation ne mise certainement pas sur l’innovation mais avouez qu’il y a pires références.
We play we are, sorti en septembre 2013, est le premier album de ce trio de jeunes marseillais acharnés de la guitare électrique. L’ensemble, qui mêle français et anglais dans le texte, se tient. On n’y retrouve pas encore le son impeccable d’autres groupes (on pense à Gush ou Revolver) ni le second degré qui émerge dans les historiettes de Mustang. On ne peut que leur souhaiter la même évolution que leur modèle, pour qu’ils deviennent également un boys band capable de dépasser le stade de l’adolescence.
Avec le dernier boys band en date, nous sommes peut-être un brin hors-sujet. Contrairement à ses pairs, Soviet Suprem n’a en effet pas pour dessein de faire se pâmer les pucelles. Bien au contraire. Il nous rappelle furieusement les groupes-déconne de Michael Youn datant de la fin des boys band, Bratisla Boys en tête. Chorégraphie sautillante, rythme endiablé et facile à retenir, texte qui ne fait pas pipi loin… Le premier titre Bolchoï semble l’exact mix de la mélodie harmonieuse de Stach Stach et du texte philosophique de Fous ta cagoule. Belle pioche, n’est-il pas ? Ajoutez-y les rondeurs et les rythmes balkaniques de Miss Platnum et voilà un parfait kitsch, racoleur et délirant mais déjà vu.
Tout cela laisse perplexe quand on connaît l’homme qui se cache derrière tout cela. Il s’agit en effet du génial R.Wan, auteur de Peau Rouge et quart talentueux de la formation rap-musette Java. Certes, notre interview de l’homme avait laissé entendre à quel point il était capable de se lancer dans des délires (lire notre interview de R.Wan). Il n’empêche que cette farce qui n’aura sans aucun doute pas de mal à grimper au hit-parade ne colle pas à ce qu’on connaît de l’homme. Il ne faut toutefois pas s’arrêter sur une première impression. Dans Rongrakatikatong, ce deuxième titre en forme de borborygme, on retrouve la plume tout en finesse de R.Wan, le seul homme capable de composer un texte intelligible en alignant uniquement des noms de stations du métro parisien. L’allitération se mêle à un débit capable de concurrencer Léon Zitrone, pour se hisser aux meilleurs moments de Java. Nous voilà rassurés dans la cas d’un album à venir. Et peut-être que le médiocre Bolchoï aidera à faire écouler cet hypothétique opus. Comme dit Jean-Louis Murat : « Pour vendre 100.000 disques en France, il faut aussi vendre son cul« .
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Feminine
3 avril 2014 at 16:33J’ai bien rigolé à la lecture de ce post ;)