Cinéma

Black Swan fascine et dérange

Depuis sa sortie, le 5 septembre 2010 aux États-Unis et le 9 février dernier en France, Black Swan, le film de Darren Aronofsky, ne cesse de faire parler de lui. Nominé dans cinq catégories lors de la dernière cérémonie des Oscars, le film a permis à son interprète féminine de remporter celui de la meilleure actrice ainsi qu’un Golden Globe et un BAFTA dans la même catégorie. Pourtant aujourd’hui Black Swan fait débat, et la prestation de l’actrice est remise en question … Pourquoi ? Retour sur l’un des films qui ,à bien des égards, a marqué l’année 2011.

Connu pour avoir réalisé le génialissime Requiem For a Dream puis The Wrestler en 2009, Darren Aronofsky revient cette année sur le devant de la scène avec un film époustouflant : Black Swan.

L’histoire est celle de Nina (Natalie Portman), danseuse au sein du prestigieux New York City Ballet, à laquelle Thomas Leroy (Vincent Cassel) confie le soin d’incarner à la fois le cygne blanc et le cygne noir de sa version revisitée du Lac des Cygnes de Tchaïkovski. Nina, douce, fragile, la grâce à l’état pur, n’a aucun mal à entrer dans la peau (enfin les plumes) du cygne blanc. A 25 ans, la jeune femme vit encore chez sa mère et ne parvient à s’endormir qu’au son de sa boite à musique, emmitouflée dans ses draps roses et entourée de ses peluches. Elle incarne à la perfection l’innocence, la naïveté et la fragilité du cygne blanc. Mais pour convaincre l’exigeant Thomas et s’assurer de tenir le premier rôle, Nina doit se montrer aussi convaincante sous les traits du cygne noir, érotique, manipulateur, maléfique. Et c’est là que les choses se compliquent. Car Nina, obnubilée par la perfection, n’arrive pas à se laisser aller suffisamment pour exprimer la part d’ombre de son personnage. Il le faut pourtant, car vu son âge, autant dire que la carrière de la ballerine touche bientôt à sa fin. Pour Nina, c’est maintenant ou jamais.

A mesure que les jours passent et que les répétitions s’intensifient, Nina découvre, à la fois fascinée et terrifiée, son côté sombre. Plus la grande première approche, plus son double mystérieux la tourmente. Elle le croise dans les rues de New-York, l’aperçoit dans son bain, se tenant au dessus d’elle et tentant de l’étrangler, ou dans le miroir, grattant une égratignure alors qu’elle reste immobile de l’autre côté. Avec les portes du succès, s’ouvrent également pour Nina les portes de la folie. La jeune femme subit le même sort que son personnage et voit peu à peu sa personnalité se dédoubler, donnant ainsi naissance à une jumelle sombre, inquiétante et menaçante. Les hallucinations se multiplient et Nina a du mal à différencier le rêve de la réalité. Elles donnent lieu à des changement physiques inquiétants (réels ou imaginaires ?) ainsi qu’à une scène ultra-érotique dans laquelle elle s’ébat avec sa rivale au sein de la compagnie, Lily (incarnée par Mila Kunis), pour finir en apothéose lors de la première représentation où elle se métamorphose en cygne noir. Elle est à l’apogée de son art. Elle a atteint la perfection. Mais à quel prix ? …

Black Swan : merveilleusement terrifiant

Le paradoxe de ce film, et c’est ce qui en fait un chef-d’œuvre, repose sur le fait qu’il est à la fois sublime esthétiquement et terrifiant psychologiquement. Darren Aronofsky avait déjà tenté l’expérience avec The Wrestler, bouleversant, mais l’univers du catch ne se prêtait pas autant à l’esthétisme et la délicatesse que celui de la danse classique. Ainsi, Black Swan allie beau et effrayant à la perfection. Les costumes sont sublimes, les décors riches, la photographie soignée, les chorégraphies envoûtantes et le maquillage de Natalie Portman en cygne noir épatant.

Tout a été mis en œuvre pour faire de Black Swan un film à l’esthétisme irréprochable. Parallèlement il est aussi effrayant. Et sa perfection visuelle ne le rend que plus angoissant. Immergé dans cet environnement de toute beauté, enivré par la musique et les chorégraphies, le spectateur se laisse emporter et ne s’attend pas à la tournure inquiétante que prend le film. Il découvre avec autant d’effroi que le personnage lui-même le côté sombre de Nina, restant prostré dans son confortable fauteuil, comme ensorcelé. Il est perdu dans les délires d’une Nina de plus en plus tourmentée et assiste, fasciné, à sa perte de contrôle. Le deuxième acte du ballet, celui lors duquel l’énigmatique cygne noir fait son apparition, est sans doute la scène la plus envoûtante du film. Elle représente parfaitement ce mélange d’esthétisme et de terrifiant, qui atteint ici son paroxysme.

Au final, le spectateur ressort du cinéma les jambes en coton, perturbé par ce qu’il vient de voir. Que l’on ait aimé ou pas Black Swan, une chose est sûre, il n’a laissé personne indifférent.

Natalie Portman controversée

Tellement pas indifférent d’ailleurs que récemment Black Swan et son interprète féminine se sont attirés les foudres de quelques détracteurs. Le scandale est arrivé par la doublure de Natalie Portman dans le film, danseuse au sein du ballet de New-York, qui remet en question la prestation de l’actrice. Récompensée à plusieurs reprises pour son interprétation, il semblerait que Natalie Portman n’ait pas travaillé sur ce film autant qu’on le prétendrait. Car voyez vous, selon sa doublure et d’autres professionnels, l’actrice n’aurait pas dansé TOUTES les chorégraphies du film. Je ne sais pas pour vous, mais après l’avoir vu, cela me paraît assez évident ! Comment, en l’espace de quelques mois, Natalie Portman aurait-elle pu acquérir la technique d’une ballerine qui danse depuis dix ans ?! Moi-même ayant pratiqué la danse classique et les pointes durant de nombreuses années j’aurais été incapable d’accomplir le tiers des chorégraphies ! Alors je vois mal comment Natalie Portman, aussi douée soit-elle, serait parvenue à cet exploit. Lui reprocher de ne pas avoir danser toutes les chorégraphies équivaudrait à reprocher à Daniel Radcliffe de ne pas avoir exécuter toutes les cascades des Harry Potter lui-même. C’est de la folie pure ! Il y a des spécialistes dont c’est le métier. Du coup, la moitié de la planète (j’exagère mais en gros c’est ça ^^) s’insurge et crie au scandale, limite prête à aller arracher à cette pauvre Natalie sa statuette dorée.

Mais ce que ses détracteurs oublient, c’est que Black Swan n’est pas un film sur la danse classique … S’ils veulent un film qui traite de ce sujet je leur conseillerais de visionner The Company, ou encore Les Chaussons Rouges, mais sûrement pas Black Swan. Car si Darren Aronofsky a fait du ballet sa toile de fond, comme Clint Eastwood a fait de la boxe la sienne pour Million Dollar Baby, le film traite davantage, à l’instar de Fight Club par exemple, de la perte de contrôle et de la schizophrénie naissante de son personnage, confronté à la difficulté de son art. Et si les chorégraphies tiennent une part esthétique importante dans le film, elles sont loin de composer l’ensemble du rôle qu’y tient Natalie Portman. L’actrice entre à la perfection dans la peau de son personnage. Il n’y avait pas de meilleur choix possible pour incarner les deux facettes de Nina. Ce rôle était fait pour elle. Elle offre une palette d’émotions vertigineuses, tantôt angélique et fragile sous les traits du cygne blanc, tantôt terrifiante et fascinante sous ceux du cygne noir. Natalie Portman parvient à faire de Nina un monstre adorable malgré sa folie. En cela, la performance incroyable et inédite de l’actrice mérite toutes les récompenses.

Bande-annonce :

BLACK SWAN : BANDE-ANNONCE 1 VOST HD (2011) par baryla

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4 Comments

  • Reply
    Ruéo
    13 mai 2011 at 15:41

    Camille,

    « Cela dit, le but de cet article n’était pas de savoir par qui le scandale est arrivé »

    « D’ailleurs, cette partie ne concerne qu’un tiers de l’article en lui-même »

    Je le sais, le premier tiers concerne la description du film, très bien écrite d’ailleurs.

    Et le deuxième est votre appréciation du film : parfaitement légitime.

    C’est pour cela que je me suis focalisé sur le dernier tiers, car il me paraissait important de dédouaner S.L.

    « la performance d’un acteur ne tient pas aux cascades ou chorégraphies qu’il exécute mais bien à son jeu »

    nous sommes bien d’accord et S.L. l’est aussi. (S.L. : « Oscar is for acting » dans l’interview non tronquée ;-))

    De mon côté, je tenais aussi par mon précédent commentaire à mettre en avant le fait que vous aurez souvent l’occasion de constater, que la polémique vient souvent des fans « éperdus » qui n’hésitent pas à se satisfaire d’une rumeur ou d’une interview grossièrement travestie pour pouvoir monter à l’assaut et peu importe les dommages collatéraux comme S.L.

    Une réaction intelligente pour eux, s’ils avaient un peu d’esprit critique pour eux-mêmes et pour l’interview, aurait été de dénoncer ABC News.

    Aussi, puisque je vous sens curieuse là-dessus, je ne suis pas journaliste, mais il me paraît, dans des cas comme celui-ci, toujours important de déminer le terrain et concernant une personne de s’en tenir si possible aux aspects purement factuels et pas aux interprétations spéculatives des uns et des autres (surtout pas les fans, et les médias).

    Merci pour votre réponse rapide à mon commentaire. Et ce sera avec plaisir que je lirai votre prochain article ou chronique. Peut-être même que je laisserai un petit commentaire (amical bien-sur)…

    Ruéo

  • Reply
    Cam
    13 mai 2011 at 12:23

    Ruéo,

    D’abord merci d’avoir tiré au clair certains faits. Il est vrai que les médias se sont déchainés dernièrement autour de cette histoire et il est toujours difficile de démêler le vrai du faux, de savoir qui a dit quoi en premier, à qui et pourquoi. Cela dit, le but de cet article n’était pas de savoir par qui le scandale est arrivé, même si j’imagine que pour le journaliste que vous êtes peut être, cela a son importance. D’ailleurs, cette partie ne concerne qu’un tiers de l’article en lui-même … Sans savoir qui de Sarah Lane ou des médias a incriminé Natalie Portman en premier, le résultat est le même et je tenais surtout à rappeler que la performance d’un acteur ne tient pas aux cascades ou chorégraphies qu’il exécute mais bien à son jeu, à ce qu’il transmet aux spectateurs. Et à ce niveau, Natalie Portman est parfaite dans Black Swan, aussi bien en cygne blanc qu’en cygne noir.
    Le journaliste n’étant pas ma profession, je vous prie de m’excuser de ne pas avoir pu passer des heures à éplucher la presse avec soin afin de déterminer par qui le scandale est arrivé précisément. Le fait est qu’il est arrivé et remet injustement en question l’oscar de Natalie Portman. Je trouvais donc juste de rappeler que le métier d’un acteur est de jouer, pas de danser.
    Néanmoins, je suis vous suis reconnaissante, pour nos lecteurs surtout, de nous avoir apporté un peu de lumière sur cette délicate affaire :)

  • Reply
    Ruéo
    12 mai 2011 at 22:53

    Bonjour,

    « Le scandale est arrivé par la doublure de Natalie Portman dans le film, danseuse au sein du ballet de New-York, qui remet en question la prestation de l’actrice »

    Je suis désolé mais je ne peux pas vous laisser écrire que le scandale est arrivé par Sarah Lane, qui est plutôt à mon avis un signe blanc, je vais vous présenter deux éléments à prendre en considération pour éviter certains écueils.

    Le premier, est de comprendre le système des médias, car à moins d’être propriétaire d’une chaîne TV ou d’être quelqu’un d’influent, ce n’est pas vous qui décidait d’aller sur une grande chaine et encore moins pour y raconter ce que vous avez envie de dire.

    Dans le cas de Sarah Lane, ce n’est pas S.L. qui s’est dit : « tiens je vais aller sur une grande chaîne pour démolir Nathalie Portman », c’est clairement ABC News qui a décidé de l’interviewer et ce, de manière orienté.

    Le deuxième, étant le pendant du premier, est de prendre l’interview disponible sur le site Abc News. Si vous allez faire un tour sur Youtube Dailymotion, etc. vous verrez qu’il y a beaucoup d’interviews tronquées, remontées, etc… on se demande si ce n’est pas fait exprès ?! donc à éviter.

    Je ne vais pas vous la retranscrire depuis l’anglais car ça dure environ sept minutes.

    Néanmoins, on pourra retenir aspects intéressants :

    La journaliste demande pourquoi Sarah dévoile le fait que ce n’est pas N. P. qui danse dans tous les scènes. Et si elle ne cherche pas la renommée en faisant cela.

    S. L. lui répond qu’elle ne pense pas que ce soit un secret et que, par respect pour son art où il faut des années d’entrainement pour obtenir un bon niveau, elle se doit de dire la vérité si on lui pose la question la dessus. Et qu’elle n’a pas fait ce film pour être célèbre ou avoir de la reconnaissance ou quoi que ce soit d’autre.

    Par la suite, c’est la voix off qui nous révèle que les sentiments de S. L. ont changés (mais aucune preuve n’est donnée que ces sentiments ont changé donc ça reste une supposition) et que ce sont les supporteurs du film (les « movie’s backers ») qui ont commencé une campagne « agressive » en faveur de Nathalie pas S.L.

    De plus, c’est clairement la journaliste qui aiguise le fait que N. P. ne l’ai pas remerciée pour sa doublure alors qu’elle a remercié plein d’autres personnes.

    S.L. lui répond que ça ne lui a pas posé problème car elle s’attendait évidemment à cela.

    La journaliste lui demande même, si en fait elle ne pense pas que N.P. ne mérite pas son Oscar car elle n’a pas dansé tous les scènes

    S.L. lui répond qu’elle est réellement un très bonne actrice, qu’elle a adoré travaillé avec elle, et qu’elle pense vraiment qu’elle mérite son oscar. S. L. lui dit aussi que N.P. a réalisé quelque chose d’extraordinaire dans ce film.

    La journaliste lui demande si elle pense que N.P. n’aurait pas eu son oscar si on avait su que ce n’était pas elle qui dansait dans tous les scènes.

    S.L. lui répond qu’un oscar est établie pour le jeu d’acteur et que N.P. a fait un travail merveilleux dans ce film.

    Donc bien évidemment c’est un conseil amical, mais je ne peux mieux vous conseiller de ne pas reprendre ce qui a pu être déformé, coupé, remonté, supprimé, dans la presse TV, ou écrite (aimant créer la polémique). Et pour cela, toujours remonter à LA source. Camille étonnez nous donc par votre rigueur.

    Ceci étant n’oublions pas que la polémique autour d’un film, d’une série ou émission de TV est toujours la meilleure publicité (les exemples sont nombreux). Cette polémique était-elle voulue ou non. De la part de S.L. il me parait clair que c’est non, de la part des médias, il me parait clair que c’est oui !

    Cordialement,

    Ruéo

  • Reply
    Margot
    4 mai 2011 at 15:15

    Superbe article que celui là !! Je trouve que ton point de vue est juste et je suis entièrement d’accord avec toi.
    Depuis quelques temps on entend beaucoup de critiques contre Natalie, sur le fait qu’elle n’a pas fait toutes les chorégraphies, mais même si elle a été danseuse dans sa jeunesse, elle n’atteint forcément pas le niveau d’une professionnelle. Je ne comprends donc pas toutes ces personnes qui déclarent qu’elle ne mérite pas son Oscar. Mais, au départ, les Oscars sont destinés à récompenser le 7ème art, autrement dit le cinéma. Et non pas les danseuses, chorégraphes… Donc oui, elle mérite amplement son Oscar, car comme tu l’as dit, son interprétation est extraordinaire, elle jongle entre 2 personnalités tout au long (ou presque) du film et arrive à nous « entrainer » dans sa folie jusqu’au bout.
    Et si nous, simples spectateurs sommes ressortis perturbés de notre salle de cinéma, je me demande donc, comment l’actrice qu’elle est a pu réussir à se débarrasser d’un tel rôle… Car aussi douée soit-elle, un rôle pareil, aussi complexe et aussi psychologiquement torturé doit être difficile à laisser de côté…

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