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Baby Driver d’Edgar Wright : un vent de liberté au volant d’un taxi

Au milieu de l’été, parmi la vague de films super-héroïques récents, au hasard Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2, Wonder Woman ou encore Spider-Man : Homecoming), correspondant tous à des franchises lucratives, Edgar Wright, réalisateur britannique méconnu du grand public, nous livre sur le grand écran Baby Driver, un thriller sur fond de braquage qui se révèle un grand divertissement diablement rythmé.

Connu avant tout pour la désopilante trilogie Cornetto, composée de Shaun of the Dead (2005), Hot Fuzz (2007) et The World’s End (2013), mettant en avant le duo comique Simon PeggNick Frost, Edgar Wright a imposé un style très pulp et énergique dans tous ses longs-métrages. Scott Pilgrim (2010), adaptation du comic originel de Bryan Lee O’Malley, en est l’illustration parfaite : mettant en scène le périple d’un jeune rêveur face à l’adversité des anciens petits copains de son amoureuse, le film est conçu comme une ode à l’imaginaire des passionnés de fictions interactives, disposant d’un découpage dynamique proche d’une B.D. et d’une narration comparable à celle d’un jeu vidéo rétro. A travers sa maigre filmographie, Edgar Wright cultive à la fois une maîtrise des genres ainsi qu’un savoir-faire technique particulièrement grisant, travaillant toujours en amont son montage pour livrer des séquences visuellement surprenantes.

Baby Driver est son cinquième film à ce jour. Quittant la maison Marvel suite à plusieurs désaccords artistiques à propos d’Ant-Man, Wright se lance dans un thriller d’action singulier. Celui-ci suit un chauffeur de taxi travaillant à la solde d’un gang de braqueurs, nommé Baby (Ansel Elgort). Le jeune homme a pour talent d’être le plus rapide au volant, conduisant au rythme de sa playlist depuis un accident ayant provoqué chez lui des acouphènes. Lorsqu’il rencontre la fille de ses rêves (Lily James), il va chercher à arrêter ses activités criminelles pour revenir sur le droit chemin, ce qui attise la colère de son patron (Kevin Spacey) et de ses co-équipiers, notamment la furie d’un mafieux à la gâchette facile (Jamie Foxx).

Au-delà de son intrigue au déroulement classique, le long-métrage constitue un étonnant exercice de style tonitruant de la part d’Edgar Wright. Prenant le point de vue de Baby écoutant ses morceaux de musique, toutes les séquences de bravoure s’accordent au rythme des chansons, choisies au préalable par le réalisateur afin d’établir une connexion entre leurs paroles et l’action à l’écran. Le cinéaste propose un véritable parti-pris sensoriel à travers ce film d’action mélangeant les genres. Entre comédie d’action, film noir et romance, le film de braquage annoncé dès les premières minutes devient rapidement un ballet rythmé et éclatant. Le long-métrage n’en devient que plus efficace, au gré de séquences superbement chorégraphiées comme une fusillade où les coups de feu répondent aux cymbales de la chanson Tequila (The Button Down Brass) ou une course-poursuite rythmée sur le son de Brighton Rock (Queen). Sur ce principe, l’équipe technique assume Baby Driver comme « une comédie musicale postmoderne », d’après Bill Pope, directeur de la photographie. Le pari est réussi : le son intradiégétique, les musiques écoutées par Baby (Barry White, T. Rex, etc.), est au service de la mise en scène pétillante de Wright. En conséquence, la succession de chansons pop crée la bande-originale rythmant le montage du film. Edgar Wright livre un long-métrage percutant et imprévisible, jouant avec les codes cinématographiques du thriller pour mieux redynamiser sa structure.

Si les chansons de la playlist de Baby sont bien au centre du film, la stratégie d’Edgar Wright est de les utiliser pour mieux se concentrer sur son personnage principal. Le thriller d’action laisse place à un portrait d’un personnage cinématographique, dans la mesure où la musique s’applique à mettre en valeur les humeurs de Baby et l’évolution de son état psychologique. Baby le chauffeur s’ajoute à la galerie de personnages qu’affectionne Edgar Wright : les passionnés considérés comme des parias dans leur entourage. Que ce soit les personnages lubriques incarnés par Simon Pegg et Nick Frost dans la trilogie Cornetto ou le facétieux Scott Pilgrim (Michael Cera) amateur de jeux vidéo, le cinéaste britannique s’intéresse toujours au quotidien de ces personnages, geeks hors-normes dans l’âme. Dans son nouveau long-métrage, Wright nous présente un jeune homme d’apparence vif et sûr de lui mais qui cache en réalité une personnalité à fleur de peau. La musique incarne le centre névralgique du personnage de Baby, puisqu’elle est devenue la raison de vivre. Ainsi, le spectateur suit le parcours à la fois enjoué et dramatique d’un héros mystérieux en quête de sa propre identité. Son entourage est composé de personnages haut en couleurs et tous interprétés de belle manière, mention spéciale à la tête imperturbable de Kevin Spacey devant des situations de plus en plus absurdes. Saupoudré d’une touche romantique, le long-métrage de Wright est un immense spectacle déluré. A l’image de son héros en quête de liberté, il détourne les codes du film de braquage pour marquer son individualité tout en étant un divertissement captivant et généreux en scènes de bravoure.

Sur fond d’intrigue romantique, Baby Driver, réalisé et scénarisé par Edgar Wright, offre autant un divertissement explosif qu’un film de personnages tendre et attachant. Cinéphile éclectique, Wright mélange les genres avec une réalisation habile et des dialogues percutants afin de marquer son empreinte. Il en résulte un film d’action survolté aux accents musicaux, développant un rapport fascinant entre la joie de vivre du personnage de Baby et la mise en scène débridée mais toujours millimétrée de Wright. Baby Driver s’impose comme un tour de force technique impressionnant, mais il est avant tout un vent de fraîcheur, porté par la patte décalée de son réalisateur, dans cette période estivale remplie de films appartenant à des franchises vouées à durer sur le long terme. Edgar Wright prouve son talent en tant que virtuose de la mise en scène avec ce petit thriller allumé, à voir de préférence sur le grand écran !

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