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« Nous, les passeurs » de Marie Barraud

« Lorsque ceux que l’on a aimé ont disparu,

leur souvenir s’inscrit en nous chaque jour un peu plus fort .»

Marie Barraud, comédienne, écrit un livre bouleversant sur son grand-père Albert Barraud, médecin-résistant, arrêté par les allemands, au destin héroïque et tragique, et qui va, au travers de son écriture, raconter une tragédie familiale qui est à la fois le touchant hommage d’une petite fille pour le grand-père qu’elle n’a pas connu mais aussi et surtout un témoignage sur la mémoire et la transmission.

A 35 ans, Marie Barraud, ressent un manque dans sa vie. Ce manque, c’est le silence sur ce grand-père paternel, ce silence, c’est la colère du papa de Marie, sur son propre père, disparu alors qu’il n’avait que 5 ans, ce silence c’est le refus du père de Marie d’évoquer ce médecin héroïque. Ce silence, c’est ce lourd secret qui empêche toute une famille d’avancer vers l’avenir et de réconcilier ainsi les liens entre eux ..

Marie Barraud décide d’aller à la recherche de ce grand-père paternel et va ainsi se lancer dans un travail d’investigation à l’aide de témoignages et d’archives pour connaître et affronter ce passé douloureux qui permettra de continuer à construire l’avenir, et ainsi réconcilier les siens dont la folie des hommes et le destin ont bouleversé leur histoire familiale.

Grâce au témoignage d’un homme, René Joly, qui a partagé un temps la vie du docteur Albert Barraud au camp de Neuengamme, Marie va pouvoir revenir sur le passé de son grand-père et apprendre ainsi son courage, ses sacrifices et son espoir sans failles. Elle va aller sur les lieux de ce camp, en mer Baltique, avec son frère Benjamin, et pouvoir ainsi retranscrire cette histoire douloureuse.

 

 

Albert Barraud est un médecin reconnu à Bordeaux, engagé dans la résistance, et déporté en 1944 au camp de Neuengamme où il fut le médecin du « revier 1 » (‘infirmerie du camp). Albert Barraud aura un rôle protecteur auprès de tous les prisonniers auxquels il consacre sa vie jusqu’à sa disparition en mai 1945, sur le paquebot Cap Arcona, bombardé par l’aviation britannique.. Albert Barraud se trouvait sur ce paquebot qui a coulé avec 7000 déportés le 3 mai 1945. Pour rappel, le 3 mai 1945, les allemands, dans un ultime recours, entassent les prisonniers du camp sur le paquebot Cap Arcona, fierté du Reich. Les allemands font croire aux alliés que le Cap Arcona est rempli de soldats allemands qui partent à la guerre, incitant ainsi les alliés à bombarder le paquebot, rempli de prisonniers, alors que les allemands le torpillent avec leurs sous-marins, le paquebot sera torpillé par la Royal Air Force. Albert Barraud réussira à sauter du paquebot avec ses trois amis, mais sera tué par une chaloupe en feu qui lui tombera dessus et perdra ainsi la vie dans les eaux de la mer Baltique.

Avec une écriture touchante et pudique, Marie Barraud raconte avec une délicatesse infinie l’engagement de ce grand-père, la colère de son père, qui petit garçon, ne comprend pas d’être délaissé par son père au profit de la résistance, ce père qui aura eu l’opportunité de fuir plusieurs fois et rejoindre sa famille, mais qui choisira de rester pour sauver des vies, d’où le sentiment d’abandon de ce petit garçon de 5 ans qui en aura voulu à son père d’avoir choisi de rester dans les camps plutôt que de le voir grandir.

Avec sa plume tendre et délicate mais précise, Marie Barraud nous transmet l’amour, avec justesse et mesure, elle apaise ainsi la colère et la tristesse des vivants et libère les morts. Ce roman de la transmission est un formidable élan d’amour vers ce grand-père inconnu mais aussi vers son père. La force de l’écriture aura été un pouvoir de guérir les maux de cette famille, et les mots auront eu ce pouvoir salvateur de réconcilier ainsi ses membres autour de ce passé douloureux mais qui finalement les aidera à construire leur avenir.

Ce roman poignant, est à lire par tous, c’est un bel hommage rendu à celles et ceux qui se sont engagés au service de l’humanité dans cette période de la seconde guerre mondiale, et en particulier le docteur Albert Barraud. Marie Barraud, avec ses mots touchants, est ainsi le passeur de l’histoire de l’engagement de son grand-père, mais aussi des nombreux résistants, c’est un rare témoignage bouleversant sur la mémoire et le pardon, sur la famille, son héritage et ses douleurs, un roman qui ne laisse pas indifférent, et dont le talent d’écriture de Marie Barraud donne une formidable leçon d’amour et d’humanité. Un roman à lire absolument.

 

« Seuls ne meurent vraiment que ceux que l’on oublie. »

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