Femme de légende

L’impératrice Messaline

Aujourd’hui nous allons parler d’une figure sulfureuse. En effet, le nom de Messaline est passé à la postérité dans le domaine de la luxure. Si vous tapez son nom sur internet il est fort possible que vous tombiez sur des sites peu recommandables… Comment cette impératrice, troisième épouse de l’empereur Claude, a-t-elle inspiré de nombreux réalisateurs de films érotiques? Je vais vous conter l’histoire de cette femme pour qui l’empire des sens n’avait aucun secret.

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Messaline, Musée du Louvre

Valéria Messalina alias Messaline est issue de la noblesse romaine, elle est notamment l’arrière- petite-fille directe du non moins illustre Marc-Antoine. Elle est mariée très jeune au futur empereur Claude, elle n’a alors que 13 ans, l’âge légal de l’époque. Elle aura très rapidement deux enfants, Octavie et Britannicus (cf la tragédie de Racine). Les historiens s’accordent à dire que leur mariage était heureux au début et qu’après l’accession de Claude au pouvoir en 41 (lorsque son neveu Caligula meurt), les choses dégénérèrent.

Tyrannique, cruelle avec ses ennemis et follement éprise de liberté, Messaline se révèle une première dame bien dévergondée. Pendant que son empereur de mari était bien occupé par des tâches liées au pouvoir ainsi que par son harem personnel, la Messaline ne s’ennuyait guère. Intrigante de première, elle multiplie les amants en tous genres, certains dirons que pas un homme de Rome n’était passé par son lit : hauts fonctionnaires, acteurs, gladiateurs, médecins, esclaves, l’impératrice est sans limite.

Comme il était parfois coutume pour certaines matrones de la haute société, elle se targue même de se prostituer et installe un lupanar à la cour. Tout ceci n’est pas un secret, l’impératrice s’en vante et attention à celui qui lui résiste… elle convainc même son mari d’assassiner les résistants à ses charmes, ce qu’il fera. De nombreuses personnalités désirées ou enviées en feront les frais : le beau Mnester en premier (amant de Caligula), Sénèque le philosophe, Julia Livilla, fille de Germanicus (certainement trop belle), et de nombreuses personnalités dont elle enviait la fortune. L’appétit sexuel voire la nymphomanie de l’impératrice est un fait avéré par les historiens antiques, Tacite et Juvénal en parlent longuement, aujourd’hui certains historiens modernes ont tendance à relativiser ce point même si son inconduite est toujours avérée.

Messaline n’était pas seulement une dévoreuse d’homme, elle était également un fin stratège. Par des alliances en tout genre, gracieusement rétribuées en général, elle protégeait ses intérêts en faisant assassiner toute menace : les concurrents potentiels à l’héritage dynastique, les dangers pour sa propre sécurité, les gens dont elle convoite les richesses… et bien sûr toujours ses amants et même parfois les maîtresses ou femmes de ses amants. On dit souvent de Messaline que trois choses la définissent bien : son appétit sexuel, sa cruauté et sa soif de richesse.

Cela dresse un portrait bien sombre mais également décoiffant de l’impératrice ! Il ne faut pas oublier qu’elle est très jeune, qu’elle évolue dans un monde difficile, celui de la cour et qu’elle vit à une époque de libération sexuelle. Les images d’orgies sont bien communes à cette époque, pour rentrer dans le rang il faut faire comme les autres voire pire (ou mieux, selon le point de vue). En même temps la Messaline était totalement maîtresse de son destin. Destin bien funeste…

En effet, même si l’empereur Claude semble bien complaisant avec le comportement de sa femme, celui-ci nuit grandement à sa réputation. Jusqu’alors toutes les frasques de sa femme avaient été plus ou moins acceptées, jusqu’au jour où celle-ci divorce de Claude et se remarie. On peut dire que c’est la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Il faut savoir qu’à Rome le mariage n’avait pas vraiment de  statut sacré, seul comptait l’engagement réciproque des époux, il n’y avait pas de contrat ni de rite solennel comme aujourd’hui. Les époux pouvaient avoir des amants et maîtresses sans bien sûr l’étaler trop publiquement. On pouvait ainsi divorcer aussi facilement qu’on se mariait, sans même prévenir le conjoint et sans avoir besoin de son consentement. Messaline divorça donc à l’insu de son mari car cette fois elle était vraiment amoureuse. Elle aurait pu avoir cette liaison malgré tout mais elle voulait que son amour soit officiel. Le jour où elle tomba amoureuse du beau Sillius, son destin fut scellé. On raconte que leur amour fut fou et passionné. Lui divorça également de son côté et les deux amoureux se donnèrent totalement l’un à l’autre.

Cependant, l’empereur vit sa réputation entachée au plus haut point. Les deux amants furent arrêtés pour crime de lèse-majesté, car soupçonné de monter un complot contre l’empereur, et furent exécutés. Messaline n’avait que 23 ans.

Même si les femmes à l’époque romaine n’ont pas beaucoup de droits, on découvre une femme émancipée loin de la domination du pater. Peut-être que le domaine de l’amour et du sexe étaient finalement les seuls où les femmes pouvaient s’exprimer librement, enfin. Le seul domaine de compétence qu’on voulait bien leur laisser en plus du foyer. Quoi qu’il en soit, la Messaline est un personnage complexe dont la réputation sulfureuse a traversé les âges. Mais au final, Messaline était une adolescente, une jeune femme se débattant dans un monde cruel, une jeune femme éprise de liberté, cherchant l’amour à tout prix. Et cela lui coûta la vie quand enfin elle le trouva. L’amour a un prix lorsqu’on devient impératrice à 15 ans. C’est peut-être  l’historien Paul Veyne qui manifestera le plus de compréhension à l’égard de Messaline « Cette jeune femme de 23 ans, qu’on dépeint comme une dévergondée, était en réalité une sentimentale, une amoureuse romantique (…) Messaline est un cas authentique d’amour fou ».

A lire      :

Les sources antiques      :

Tacite, Œuvres complètes, traduction et notes de Pierre Grimal, Bibliothèque de la Pléiade, 1990

Juvénal, Satires, Les Belles Lettres, Coll. Classiques en poche 2002

Les études modernes      :

Pierre Grimal, L’Amour à Rome, Petite Bibliothèque Payot 1995

Paul Veyne, La société romaine, Points Histoire, Éditions du Seuil, 1991

A voir      :

Messaline de Vittorio Cottafavi, péplum, janvier 1960

A la mort de son neveu, Caligula, Claude devient le nouvel empereur de Rome, Valérie, une jeune et belle vestale, s’éprend de Lucio Massimo, un jeune centurion naïf. Mais elle va se laisser convaincre par un conseiller sans scrupule de délaisser cet amour pour tenter de se faire aimer de Claude. Elle y parvient et devient Messaline, impératrice cruelle et débauchée…

Caligula et Messaline d’ Antonio Passalia, juillet 1982, péplum érotique (interdit au moins de 16ans…)

Caligula qui règne à Rome mène une vie de débauche. Il est séduit puis fasciné par Messaline une courtisane sensuelle. Après avoir accédé au trône, cette dernière se révèle être encore plus ambitieuse et perverse que l’empereur lui-même.

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