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Alberto Moravia

Alberto Moravia est l’un des écrivains les plus importants du XXe siècle. Ecrivain, mais aussi journaliste, essayiste,tour à tour dramaturge, scénariste, reporter ou même député européen, il a fait de son existence jusqu’à sa mort, le support même de sa créativité. Ce témoin actif de son temps a produit une oeuvre romanesque moderne, riche et puissante, dans laquelle il observe les moeurs bourgeoises et populaires, et dénonce les tabous et les préjugés de l’Italie conformiste.

Né d’un père d’origine juive et d’une mère catholique d’origine dalmate, Alberto Moravia (du nom de sa grand-mère), nait Alberto Poncherle, en novembre 1907 et meurt à Rome en septembre 1990, à Rome. Son père est architecte et peintre, sa tante Amelia Rosselli est écrivain, elle écrit des comédies en dialecte vénitien et des contes pour enfants.

A l’âge de neuf ans, Alberto Moravia est atteint d’une tuberculose osseuse, la coxalgie, maladie de la hanche, qui l’immobilise et le contraint à abandonner ses études et à se consacrer à la littérature. Il lit Dostoievski, Joyce, Goldoni, Shakespeare, Mallarmé. Condamné à l’immobilité, il souffre physiquement, il souffre aussi du manque de compagnie, mais a un désir de vie incommensurable. Il se met à l’écriture en imaginant la vie dont il est exclu à cause de sa maladie, qui sera aussi sa force. Il fait des séjours dans les sanatoriums, et commence à écrire très tôt, avec une grande précocité. A l’âge de seize ans, il commence à écrire son premier roman, « les Indifférents », publié en 1929, roman de critique de la société bourgeoise, qui connait un succès immédiat.

S’étant attiré l’hostilité des autorités fascistes, Alberto Moravia part en voyage et écrit des récits, il collabore ensuite à la Stampa et la Gazetta del Popolo. En 1935, son « le Ambizioni sbagliate » (les ambitions déçues) est censuré par le régime et finit même sur l’index des livres interdits du vatican. Il voyage à Londres, aux Etats-Unis, en Chine, et en 1937, il rencontre Elsa Morante, âgée de 25 ans, écrivaine italienne. En 1941, il écrit une parodie comique du gouvernement de Mussolini « la Mascherata » dans laquelle il prend à contrepied l’idéologie fasciste de Mussolini en dressant un portrait corrompu de la dictature italienne, recherché par les fascistes, il part se cacher, avec Elsa Morante, sa compagne, dans les montagnes de la Ciociaria, pendant neuf mois. Ces neuf mois, parmi les paysans, ont renforcé sa conscience sociale.

Intellectuel curieux, lucide et fin observateur politique et grand analyste de la modernité du XXe siècle, Alberto Moravia est un voyeur impénitent qui exerce son regard sur la société italienne dont il fustige les préjugés, sur les femmes qu’il adore car elles l’ont beaucoup influencé et contribué à son développement, et sur le néant, par humeur contemplative. Alberto Moravia joue avec les conventions sociales et leur influence sur les sentiments, ses livres questionnent la société et le couple dans leurs rapports, ses personnages sont aussi le produit d’une crise de la société bourgeoise, puritaine et fasciste que l’écrivain regarde d’un oeil impitoyable.

Cet homme de culture aime l’action au vrai sens du terme, pour Alberto Moravia, un écrivain doit surtout agir. Cet homme d’action a pas mal agi dans sa vie, il a énormément voyagé, écrit dans les journaux, écrit des critiques, des études sur Boccace, Manzoni, Machiavel et Emma Bovary. Il a été également l’auteur de plusieurs essais sur l’Union soviétique, l’Afrique, la Chine. Il s’est également engagé politiquement -Hiroshima, mai 1968, le nucléaire…- et a dirigé la revue Nuovi Argomenti dont il a été un collaborateur important.

Cet écrivain d’une grande sensibilité grâce à laquelle il est devenu écrivain, vit beaucoup par le regard, d’où l’influence de la peinture et du cinéma dans son travail. Pour Alberto Moravia, le cinéma pose la réalité en toile de fond, et résoud les problèmes, car c’est un retour à la représentation abstraite et synthétique des choses.

Auteur de plusieurs pièces de théatre, Alberto Moravia a été l’un des écrivains les plus adaptés au cinéma par Godard, Bertolucci, de Sica, Bolognini…

Alberto Moravia a partagé la vie de deux écrivaines italiennes reconnues : Elsa Morante, Dacia Maraini et Carmen Llera.

Ecriture :

Alberto Moravia est le maître de la narration romanesque.

L’oeuvre d’Alberto Moravia analyse souvent les rapports amoureux, sexuels ou non, charnels ou spirituels, en fouillant de manière distanciée la psychologie de ses personnages, il dissèque sans pareil les rapports humains et amoureux, la jalousie, le mépris et pose un regard ironique sur la population romaine et son hypocrisie.

A travers des intrigues simples, mais menées vigoureusement, Alberto Moravia explore certains thèmes tels que la difficulté de l’individu à s’insérer dans une société dont les valeurs dominantes sont l’argent, le sexe, la difficulté de l’homme à saisir le réel, les rapports homme-femme sont décrits sans complaisance et analysés en terme de domination et de pouvoir. Il décrit également la société italienne et plus généralement la société occidentale dont il critique les préjugés bourgeois.

Dans un style précis et vigoureux, Alberto Moravia décrit la vie intérieure, les pulsions et contradictions de ses personnages. Jouant avec les conventions sociales et leur influence sur les sentiments, ses livres questionnent la société et le couple dans leurs rapports, les conventions sociales et leur influence sur les sentiments et fustigent la société capitaliste et conformiste.

La famille joue un grand rôle dans l’oeuvre d’Alberto Moravia, elle est le théatre classique des conflits humains. De façon ironique, amusée, provocante, Alberto Moravia écrit l’impression de la vie.

L’écriture qu’il préfère, c’est celle qui donne le sentiment de la vie dans la littérature. Pour l’écrivain, le mot est une affaire de sensibilité et trouver le mot exact qui correspond exactement à ce que l’on veut dire, c’est la base de l’écriture.  Pour lui, l’écrivain ne fait que se peindre lui même et les sentiments sont la base de tout, ils garantissent l’authenticité des rapports. Le point commun de l’oeuvre d’Alberto Moravia c’est l’étude d’un même thème nommé tour à tour l’ennui, l’indifférence ou le dégout de la vie.

« le romancier donne à voir par le trou de la serrure ce qu’on ne pourrait pas voir autrement »

Livres :

« Les Indifférents »(1929), « Hiver de Malade » (1930), « les Ambitions Déçues » (1935), « l’Amant Malheureux » (1043), « l’Epidémie » et « Agostino » (1944, « La Belle Romaine » (1947, « La Désobéissance » (1948), « L’Amour Conjugal » (1949), « Le Quadrille des Masques » (1950), « Le Conformiste » (1951), « Le Mépris », « Nouvelles Romaines » et « La Provinciales et autres récits » (1954), « La Ciociara » (1957), « Autres Nouvelles » (1959), « L’Ennui » (1960), « Une certaine Idée de l’Inde » (1961), « L’Automate » (1964), « L’Attention » (1966), « Moi et Lui » et « Le Paradis » (1966), « Une autre Vie » (1974), « Desidéria » (1979), « Lettres du Sahara » (1981), « Bof ! » (1982), « 1934 » (1983), « La Chose » (1985), « L’Homme qui Regarde » (1986), « Le Voyage à Rome » (1989), « La Femme Léopard » (1991), « Promenades Africaines » (1993), « La Polémique des Poulpes et autres histoires » (1995), « Histoires d’Amour » (2000), « Histoires de Guerre et d’Intimité » (2002), « Les Deux Amis » (2007).

Quelques livres :

« Les Indifférents » : Une maison cossue dans le quartier résidentiel d’une grande ville, cinq personnages, un huit-clos angoissant.  C’est l’histoire de Carla et Michel Ardengo, deux frère et soeur, dépourvus de passions, qui ne connaissent que l’ennui et l’indifférence. C’est l’histoire  d’une famille dont l’honneur est déchu par la relation entre Carla et Léo, amant de la mère. Michel achète une arme pour venger l’honneur familial. Avec ce roman sobre et désenchanté, montrant une société bourgeoise hypocrite et mesquine, et dans lequel l’écrivain dénonce la fausse moralité fasciste des italiens de l’époque, Alberto Moravia, tout jeune, fait une entrée fracassante dans le monde de la littérature italienne et signe le premier d’une série de chefs d’oeuvre qui devait le consacrer comme un des plus grands romanciers de ce siècle.

« Agostino » est un petit livre fondamental qui met en scène les troubles d’un adolescent, Agostino, âgé de 13 ans, à travers son initiation à la vie amoureuse. Au cours de la même saison, il va découvrir la réalité du sexe et des classes sociales. Agostino qui vénère sa mère, et a une relation très proche, passe ses vacances sur la côte toscane avec elle. Mais Renzo, un jeune homme, vient perturber cette relation mère/fils et la mère délaisse Agostino au profit de Renzo. Ce roman néoréaliste relate la crise d’adolescence d’un jeune garçon, de la fin de l’enfance au début de l’âge adulte.

« Le Conformiste » : Le jeune Marcello grandit livré à lui-même dans une famille désunie. Le bouillonnement de l’adolescence l’effraie et il se sent traversé par des instincts violents, meurtriers. Terrorisé par le sentiment d’être différent  des autres, Marcello décide, une fois adulte, de devenir comme tout le monde, irréprochablement normal. Dans l’Italie de Mussolini, être normal, cela veut dire être fasciste. Marcello a mis le doigt dans un engrenage qui le conduira très loin. Ce roman se fonde sur une histoire réelle, celle de ses cousins assassinés.

« Le Mépris » : Richard Molteni, le héros, est marié à Emilie. Dans un long monologue, Molteni revient sur les circonstances qui ont conduit sa rupture conjugale. Renonçant à ses ambitions d’écrivain pour devenir scénariste de films, Emilie sa femme lui annonce qu’elle ne l’aime plus, pire encore qu’elle le méprise. Sans jamais lui avouer les motifs de son dédain, elle le quitte puis se tue dans un accident de voiture. Molteni cherche alors à discerner la nature de ce mépris, repose t il sur un malentendu ou met il en cause sa personnalité ? Alberto Moravia dépeint avec justesse le sentiment de mépris qui nait d’une histoire d’amour qui s’achève.

« L’Ennui » : Dino, peintre abstrait, âgé de 35 ans, bourgeois très riche ayant renoncé à l’argent, car il pense que l’argent l’empêche de travailler et provoque l’ennui, vit seul dans un studio. A côté vit un vieux peintre âgé de 65 ans, qui reçoit des femmes, dont Cecilia, jeune femme de 17 ans. Un jour le vieux peintre meurt, et Celicia part vivre avec Dino. Mais Cecilia le trompe, Dino souffre. La souffrance lui apprend qu’on ne peut pas posséder quelqu’un et que la recherche de la possession est vaine. Dino possède la jeune femme physiquement (acte charnel), avec l’argent (en l’achetant), et socialement (elle devient sa femme). C’est une histoire d’amour et d’ennui dans laquelle il y a incommunicabilité entre l’homme et la femme. L’ennui est l’absence de communication.

« Une Certaine Idée de l’Inde » : En 1961, Alberto Moravia voyage en Inde avec Elsa Morante et leur ami Pier Paolo Pasolini. Alberto Moravia cherche les causes de la pauvreté d’une grande partie de la population. Il s’entretient avec Nehru, n’hésite pas à dénoncer le système des castes et passe en revue les religions. Dans ce livre, Alberto Moravia démontre son esprit de synthèse remarquable.

« Lettres du Sahara » : Entre 1975 et 1981, Alberto Moravia est envoyé spécial du Corriere della Sera et part en Afrique. Les textes qu’il écrit en Côte d’Ivoire et au Sahara furent réunis dans un volume en 1981. Ce sont des récits de voyage, de vie et de mort, qui se situent dans la tradition des écrivains et artistes voyageurs, brassant une mémoire culturelle commune où l’on rencontre Baudelaire et Gauguin, Blixen et Conrad et où la notation géographique culturelle ou esthétique conduit toujours à une réflexion anthropologique. Le contact avec les terre d’Afrique rappelle à l’écrivain tout ce que l’Occident a perdu en gagnant le confort de la vie moderne.

« Le Voyage à Rome » : c’est une fable, la fable d’un adolescent qui part à la recherche de son père. Mario de Sio a vingt ans, ses parents sont séparés depuis son enfance. Son père, agent immobilier vit à Rome, Mario vit à Paris avec sa mère. Mario se dit poète. A la mort de sa mère, il se rend à Paris pour faire la connaissance de ce père dont il a un souvenir diffus. En retrouvant le décor de son enfance et ce qu’il connait si peu, surgit alors le fantôme de sa mère. Il se laisse guider dans ses errances romaines par une jeune fille de treize ans et sa mère, et par une autre femme plus mûre, que son père a l’intention d’épouser. Alberto Moravia joue avec aisance d’innocence mêlée de provocation, de jouissance et de liberté.

« La Femme Léopard » : Pendant un reportage au Gabon, Lorenzo soupçonne son épouse Nora, de le tromper. Dès lors, il va lui faire subir une véritable inquisition, cherchant à percer le secret de chacun de ses gestes. Sur fond de l’Afrique qui imprègne de ses légendes cette quête impossible faisant de Nora la « femme léopard », belle et insaisissable comme le félin. Dans cette oeuvre achevée juste avant sa mort, Alberto Moravia renoue avec ses thémes sur la possession, le couple, la fidélité, la jalousie.

« Promenades Africaines » Trois ans avant sa mort Alberto Moravia se tourne vers le continent africain qui le fascine comme l’avait fasciné l’Inde. Pour Moravia, l’Afrique est un territoire contradictoire du désenchantement politique du mystère de la religion, du foisonnement végétal et animal et de la crise du monde moderne. Il se situe au coeur des choses et à proximité des gens afin de mieux répondre aux grands mouvements de vie. Il montre la magnificience des forêts, des montagnes et des lacs de Tanzanie, du Zaïre, du Gabon et du Zimbabwe. Il rend également sensible et évidente la destruction de la nature et emploie tout son talent, son ironie et sa vivacité pour écrire ses rencontres insolites, toujours attentif aux êtres, aux animaux et aux lieux.

« Le Petit Alberto » entretien avec Daria Maraini. Cette biographie écrite à deux, est né de l’extrême pudeur d’Alberto Moravia, qui a accepté de répondre aux questions de sa femme, Daria Maraini. Cette conversation sans retenue retrace les évènements qui ont déterminé les résolutions et engagements d’Alberto Moravia mais aussi ses fantasmes et ses singularités.

« Les Deux Amis » Sergio, jeune intellectuel sans le sou, inscrit au Parti Communiste, essaie de convaincre son riche ami Maurizio, qui le fascine et l’attire, d’y adhérer à son tour. Maurizio, ancien sympathisant du fascisme, est un « indifférent » que les convictions de Sergio font sourire. A court d’arguments, Sergio va jusqu’à lui offrir sa maîtresse dont il n’est pas amoureux, mais jaloux. Alberto Moravia dresse avec lucidité et ironie, un tableau saisissant de la guerre et l’après-guerre et propose une réflexion caustique sur l’engagement. Plus de cinq après sa mort, les héritiers d’Alberto Moravia découvrent dans la cave de l’appartement de Moravia une valise contenant trois versions d’un même roman inachevé, écrit en 1952,  et situé pendant et après la seconde guerre mondiale. Les trois rédactions s’enchaînent curieusement et constituent un roman complet qui apparait comme une oeuvre majeure en dépit de son inachèvement.

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1 Comment

  • Reply
    ahmad
    12 mars 2015 at 18:55

    Mr Alberto Moravia reste un écrivain qui a marque l’histoire de ce ci avec succès. Il reste encore un symbole de civilisation qui possède une fortune littéraire non négligeable…..

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