Chanteuse rock

Bonnie Raitt

« Toute la musique que j’aime / Elle vient de là, elle vient du blues » : une personne unanimement d’accord avec notre Johnny national, c’est Bonnie Raitt ! Si son nom force le respect chez une poignée de connaisseurs, il frôle la légende outre-atlantique. Et pour cause, l’auteure-compositrice-interprète, au slide hors pair (ndlr : pour ceux qui ne connaîtraient pas, une technique de jeu blues pour guitare), est un monument du blues américain. Le blues, elle le chante autant qu’elle l’aime, d’un amour inconditionnel certes, mais qui ne l’a pas empêché en plus de 40 ans de carrière, de le marier à la country, folk et rock bien sûr… Parce que les mots ne sont jamais les mêmes, pour exprimer ce qu’est le blues.

Fugitive

Fille de fins mélomanes (ndlr : son père, John Raitt est une star de Broadway et sa mère Marge Goddard est pianiste professionnelle), Bonnie Lynn Raitt naît le 8 novembre 1949 à Burbank, dans l’état de Californie, USA. Sa première guitare, la fillette la reçoit en cadeau de Noël pour ses 8 ans et en deviendra bien vite inséparable : en réunions de famille comme à l’école et pendant tous ses temps libres, toutes les occasions sont bonnes pour la gamine de jouer. En 1967, date de son entrée à l’Université (au Radcliffe College), Bonnie choisit de se spécialiser en relations sociales et études africaines, rêvant un jour de rejoindre la Tanzanie et le gouvernement démocratique socialiste de Julius Nyrere… Quelle serait sa surprise si elle savait qu’un tout autre destin l’attendait au tournant !

En effet, le manager Dick Waterman, personnage très influent dans le milieu du blues, étant de passage sur son campus, Bonnie décide d’aller à sa rencontre… et tous deux deviennent rapidement amis. Tellement même, qu’à l’heure de choisir entre continuer ses études et déménager à Philadelphie pour suivre Waterman, Raitt choisit la deuxième option. Un peu à contre-cœur mais tout de même consciente de cette énorme chance qui s’offre à elle. Sous le haut patronage de Waterman, la jeune femme est introduite à la scène musicale bostonnienne, en jouant de la folk et du rythm & blues aux côtés de pointures blues telles que Sippie Wallace, Son House, Mississippi Fred McDowell, Muddy Waters et John Lee Hooker. Apprenant vite, celle-ci obtient de ses collègues de précieuses leçons de vie et d’inestimables tuyaux pour ses prochaines performances.

Le bouche à oreille fonctionne si bien qu’à l’automne 1970 Newsweek sera l’un des premiers médias à relayer la qualité de ses performances. Il est vrai qu’à l’époque, Bonnie détonne : en plus d’être une femme, c’est une blanche, chose presque inconcevable dans le milieu musical blues largement dominé par des artistes noirs… Au-delà de la propre satisfaction de se produire aux côtés des plus grands bluesmen, Raitt va focaliser l’attention des majors qui n’ont d’yeux que pour ce petit bout de femme. Warner Bros sera le prétendant le plus persuasif en obtenant les faveurs de la jolie rousse.

Prendre son temps

Sa maison de disques trouvée, Bonnie peut à présent se consacrer au lancement de sa carrière. Mais si la problématique du label s’est rapidement solutionnée, son travail demandera, pour sa part, un peu plus de temps à être reconnu. Rapide panorama de ses albums les plus mythiques.

Premier d’entre tous, Bonnie Raitt est chaleureusement accueilli par la critique dès sa sortie en 1971. Un premier album inscrit dans la plus pure tradition blues mais qui laisse entrapercevoir déjà la richesse de son univers. Six albums suivront en l’espace de sept ans :  Give It Up (1972), Takin My Time (1973), Streetlights (1974), Home Plate (1975) et surtout Sweet Forgiveness (1977), qui lui livrera son premier hit « Runaway », un des précédents tubes de Del Shannon, revisité à la sauce rythm & blues, of course !

Le tournant seventies/eighties sera quant à lui marqué par 3 nominations aux Grammy pour respectivement The Glow (1979), Green Light (1982) et  Nine Lives (1986). Mais derrière cette apparente quiétude, la réalité est loin d’être aussi tranquille : remerciée de Warner Bros en 1983, Bonnie se retrouve sans aucune perspective et, qui plus est, avec un album (ndlr : Tongue and Groove qui deviendra plus tard Nine Lives) sur les bras. Mais lorsque sa major la recontacte deux ans plus tard pour lui proposer de finalement produire son opus, non sans le retravailler, Nine Lives (1986) déçoit plus qu’il ne convainc, commercialement parlant. Fin du chapitre Warner Bros. On a beau la soupçonner être tombée dans l’alcool et la drogue, Raitt garde la face et multiplie les projets collectifs à défaut d’en avoir pour l’instant des plus personnels.

La signature d’un nouveau contrat avec Capitol Records en 1989 lui promet un avenir meilleur. Le succès si ardemment désiré, la chanteuse y goûtera la même année avec Nick of Time, reconnu à ce jour comme l’album de sa vie, avec une quintuple nomination disque de platine et 3 Grammy décernés en prime ! Après la sortie d’un premier best of (ndlr : The Bonnie Rait Collection en 1990), Luck of the Draw (1991) parvient néanmoins à surpasser le succès de son prédécesseur en obtenant une septuple certification platine et se paye l’audace de cumuler trois nouveaux Grammy. La loi des séries continue avec Longing in Their Hearts (1994) : un tube : “Love Sneakin’ Up On You” et surtout un nouveau Grammy en tant que Meilleur Album Pop. Ambitieux projet mettant notamment en lumière la musique zimbabwéenne de Oliver Mtukudzi, Fundamental (1998) clôturera en beauté la décennie.

Il se devine un peu plus de retenue pour l’entrée de Bonnie dans le nouveau millénaire. Intronisée successivement dans le Rock and Roll Hall of Fame en 2000, puis l’année suivante, en compagnie de son père, dans le Hollywood Bowl Hall of Fame, l’artiste signe certainement l’un de ses meilleurs albums en 2002, Silver Lining et ses très bons « Gnawin’ On It » et « I Can’t Help You Now », ovationné par une spectaculaire tournée mondiale ! Premier album à porter la mention « produit par Bonnie Raitt », le Souls Alike de 2005 n’est néanmoins pas en reste et prouve, avec son bon positionnement dans le Billboard US et ses critiques dithyrambiques, que Bonnie est bel et bien toujours dans la course !

Boom, Boom, Boom

L’actualité à chaud de Mrs Raitt? Un nouvel album studio intitulé Slipstream, prévu pour le 10 avril prochain. Sept ans, soit presque une décennie, marqués par des événements pas toujours roses, comme le décès de ses proches (parents, frère et ami), en somme, un laps de temps nécessaire pour digérer et se remette en selle. En français, Slipstream se traduit par Sillage : un choix loin d’être innocent pour l’artiste qui ne manque pas une occasion de remercier ces grands noms du blues qui, en plus d’avoir joué le rôle de mentors, l’ont guidée dans cette prolifique carrière qu’on lui connaît. Sans vous dévoiler toutes les surprises que vous réserve cette nouvelle galette, on peut tout de même vous glisser quelques tuyaux : produit par l’éclectique Joe Henry, Slipstream mettra à l’honneur aussi bien des compositions originales (« God Only Knows » et « You Can’t Fail Me Now » co-écrit avec Loudon Wainwright III) que des reprises de classiques, notamment ceux de Bob Dylan : (« Million Miles », « Standing in the Doorway »).

Guitariste respectée et compositrice accomplie, l’artiste (maintenant) bankable, classée par Rolling Stone parmi les « 100 plus grandes chanteuses de tous les temps », est une véritable institution pour la musique américaine. Si l’on en doutait encore, ses quelques 9 Grammy et ses nombreuses participations (on en dénombre plus d’une centaine) aux albums de légendes  telles que Ruth Brown, Bruce Cockburn, Pete Seeger, ou encore John Lee Hooker et Ray Charles (on se souviendra respectivement de « I’m in the Mood » sur The Healer en 1989 et « Do I Ever Cross Your Mind » sur Genius Loves Company en 2004) suffisent à calmer le débat ! Cesaria Evora, B.B. King, Tony Bennett, Willie Nelson… : la liste de ses exceptionnels duos est longue. Si l’on rajoute à cela sa signature musicale pour des films d’animations (Frères d’Ours et La Ferme se Rebelle) sans compter son intégration comme l’un des personnages principaux du documentaire réalisé par Martin Scorsese « The Blues », on comprend bien vite que Bonnie est une artiste tout sauf hermétique !

Quand elle n’est pas à sillonner les routes pour nouer une nouvelle collaboration ou donner un concert, l’autre dada de Raitt c’est l’humanitaire ! Celle qui s’est érigé contre la guerre en Amérique Centrale dans les années 80, a également été partie prenante du projet anti-apartheid Sun City, sans jamais mâcher ses mots en faveur du féminisme et des droits des Amérindiens. Ecologiste convaincue, celle-ci n’a pas hésité à donner de sa voix pour lever des fonds à destination des victimes japonaises du séisme et tsunami de l’année dernière, après avoir été l’une des figures de proue des concerts historiques No Nukes de 1979 dénonçant le recours à l’énergie nucléaire. Co-fondatrice à ce titre du collectif MUSE (Muscians United for Safe), toujours à ce jour en activité, Bonnie est également à l’initiative de The Rythm and Blues Foundation visant à l’augmentation des royalties et de la situation financière des artistes blues. Sans oublier The Bonnie Raitt Guitar Project , projet permettant à tous les écoliers américains d’entamer l’apprentissage de la musique pour contrer pauvreté et exclusion.

« Je suis dans le sillage de tous ces styles de musique. Je suis si inspirée et fière de continuer ces traditions, qu’il s’agisse de reggae, de soul ou de blues. Je suis dans le sillage de ceux qui m’ont précédé et j’en laisse un pour mes successeurs. Je porte haut et fort les traditions de la musique que j’aime » rapportait dernièrement Bonnie sur son site officiel au sujet de Slipstream : c’est avec une impatience non dissimulée qu’on a hâte de découvrir la nouvelle empreinte musicale de cette grande dame du blues !

(Les photos proviennent du site http://www.bonnieraitt.com).

Sources

Sites internet

http://www.bonnieraitt.com
http://www.cmt.com/artists/az/raitt_bonnie/bio.jhtml
http://www.biography.com/people/bonnie-raitt-9450875
http://bonnie_raitt.justsuperstar.com/bio/
http://www.rollingstone.com

Articles

BIO : http://www.bonnieraitt.com/bio
Bonnie Raitt in Le rock dictionnaire illustré, Larousse (1997)
Exit Interview: Bonnie Raitt : http://www.phillymag.com/arts_events/articles/exit_interview_bonnie_raitt/

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