Jeunesse Littérature

Jean-Jacques Sempé

Qui n’a jamais croisé les histoires du Petit Nicolas, ce personnage incontournable de la littérature jeunesse ? Ce mois-ci, nous allons nous intéresser à l’un des deux hommes qui lui a donné vie : Sempé.

1) Sa biographie, une vie toute en dessins

Jean-Jacques Sempé, plus couramment dit Sempé, est né le 17 août 1932 à Bordeaux. Il se lance dans les dessins humoristiques à l’âge de dix-neuf ans, et son énorme talent dans Sud-Ouest, le Rire, Noir et Blanc, Ici Paris, etc…, tout en faisant son service militaire en région parisienne. Il commence à être célèbre, dès 1957, avec l’aide de quelques collaborations régulières dans Paris-Match, l’Express ou encore Pilote. Il écrit et publie aussi presque chaque année des ouvrages chez l’éditeur Denoël. Mais c’est surtout une collaboration importante qui fera parler de son nom…

2) Le Petit Nicolas, une oeuvre symbolique et éternelle :

Quand deux hommes célèbres se rencontrent et forment une collaboration écrite, cela peut vraisemblablement donner lieu à un succès mémorable. Et c’est le cas, puisque Sempé fait la connaissance un jour du célèbre René Goscinny, auteur populaire d’Astérix et de Lucky Luke, à Paris. Cette rencontre laisse place à une belle et forte amitié entre ces deux écrivains. Ils décidèrent de collaborer pour mettre en oeuvre un ouvrage d’histoires sorties de leur imagination.

Ce livre, intitulé Le Petit Nicolas, raconte les aventures d’un jeune garçon et de sa petite bande de copains, découvrant les étapes de leur vie d’enfants, comme les filles, les vélos et l’école, mais aussi ceux de la vie des adultes, comme les différents échanges relationnels et la cigarette, au sein d’un monde où règnent leurs parents, l’institutrice et le voisinage, ce qui provoque le plus souvent une accumulation de bêtises plus drôles les unes que les autres.

Ces petites nouvelles apparaissent la première fois dans les magazines Sud-Ouest Dimanche et Pilote, dirigé par Goscinny lui-même, en 1959. La naissance d’une critique chaleureuse et très positive de la part des lecteurs donne l’autorisation aux deux amis de faire leur propre série. Les deux compères s’en donnent à coeur joie en publiant, depuis 1960, de nombreux recueils renfermant différentes péripéties de cet enfant maladroit. Ce fut vite un succès colossal…

Evoquons les qualités de cette oeuvre les unes après les autres. D’abord, l’écriture du récit est, au premier coup d’oeil, étonnant, car la prononciation et l’organisation grammaticale des phrases nous laisse l’impression de venir tout droit du vocabulaire d’un enfant de sept ans. Et pourtant, c’est cette même forme d’écriture quelque peu infantile qui procure une fraîcheur poétique des plus belles. Car René Goscinny et Jean-Jacques Sempé montrent leur capacité de conter une aventure selon un gosse, tout en gardant la subtilité d’un grand auteur. On pourrait presque dire que c’est un nouveau style littéraire, étonnant pour tous les écrivains, mais qui se révèle être une grande richesse dans les ouvrages illustrés.

Le dessin, provenant du coup de crayon de Sempé, est aussi surprenant. Ce n’est pas un dessin complexe, avec de nombreux détails et des figures tracées bien précises. De plus, il est dépourvu de couleurs, laissant le noir et blanc dominer les traits de l’image. Justement, au-delà de la simplicité du dessin, il se dégage à l’intérieur une poésie très simple. La participation de Sempé est très importante dans l’oeuvre car elle ajoute plus de magie et de vie au texte. Et le texte ne serait donc rien sans ces beaux dessins. Ainsi les deux matières, le texte et l’illustration, se complètent ensemble, ce qui en fait une formidable combinaison.

Mais ce qui fait de cette série particulière de petits livres, c’est son sens et son public visé. On peut y découvrir, avec ces nouvelles illustrées, un grand et bel hommage à l’enfance. Non, pas à celle des enfants d’aujourd’hui, mais à celle des adultes. Cet ouvrage se situe dans l’époque où, nos parents, grands-parents, institutrices, etc… étaient ces enfants -presque- sages, qui faisaient des gaffes inconsciemment ou volontairement. Les personnages sont une des preuves de ma théorie sur ce recueil, car ils représentent tous les genres de personnes que nous avons fréquentés. Ceux qui nous obligeaient à suivre les règles mais qui étaient un rien désordonnés lors d’une de nos bêtises ; nos amis en tout genre, le gentil petit gros épris d’une passion affamée, la brute qui fait sa gloire, le petit riche possédant toutes les choses de la planète ou l’intello profitant de son statut de chouchou scolaire ; l’institutrice, qui nous grondait à chaque fois ; le surveillant de l’école qui nous avait marqué par une chose particulière, genèse de son surnom, etc… Ces personnages nous rappellent les joies et les malheurs de notre enfance.

Grande surprise à l’époque, Le Petit Nicolas est une oeuvre inoubliable et unique en son genre, pleine de charme et de gaieté, de par ses textes géniaux et frais et des dessins mémorables emplis de poésie. C’est au fond un hommage touchant à notre belle enfance, aux joies qui l’illustraient ; tout ceci fait que même les adultes prennent beaucoup de plaisir à lire, au moins autant que les enfants. Nicolas, ce petit garçon insouciant, est un héros unique, parce qu’il nous ressemble. Voilà pourquoi c’est un grand classique où le public s’y trouve, les adultes se replongeant dans leur merveilleux passé, les enfants apprenant les cultures et le quotidien de cette enfance d’un autre temps.

2009 marquera les 50 ans du livre, avec une fête en mars prochain, un dessin animé et un film.

3) Marcellin Caillou, un hommage à l’amitié :

L’histoire conte la rencontre incroyable de deux enfants -presque- égaux. L’un est Marcellin Caillou, un petit garçon ayant la maladie de rougir tout le temps, quand il ne le faut pas ; l’autre est René Rateau, son voisin d’appartement qui éternue tout le temps, sans avoir le rhume. Ensemble, ils vivent heureux et construisent une belle amitié que rien, ni personne, ne pourra arrêter. Mais est-ce qu’elle est pour autant éternelle ?

Après avoir terminé avec Goscinny leur série culte du Petit Nicolas, qu’il continuera en 2004 sous l’accord de la soeur de son défunt ami, Jean-Jacques Sempé écrit une petite histoire pour enfants, en 1969. Cette nouvelle montre jusqu’où l’amitié peut aller et quel bonheur elle peut procurer. On prend un grand plaisir à suivre les amusements quotidiens de ces enfants particuliers et on en ressort le coeur tendre et joyeux. On peut supposer que c’est peut être aussi le bilan que Sempé retient de son amitié avec René Goscinny.

Sous la plume enchanteresse de Sempé, Marcellin Caillou est donc un magnifique et touchant hommage à l’amitié. Accompagné de dessins fins et beaux, le texte nous emporte au coeur d’une aventure pleine de charme et de poésie, qui semble quelque peu véridique de par la collaboration marquante de l’auteur avec son ami, incarnant peut être le camarade de Marcellin Caillou.

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