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Festival de la Bande Dessinée d’Angoulême 2013 – Nos découvertes (2/4)

Aujourd’hui, Save My Brain vous propose de partir à la rencontre de nouveaux talents. Premiers albums et découvertes coups de coeur sont aujourd’hui à l’honneur. Et quoi de mieux pour introduire ces rencontres inédites que la visite de l’exposition consacrée à Pénélope Bagieu, découverte par le biais de son blog ?

 

Dans le cœur d’Angoulême se situe le bar dénommé Les Cinq Sens. Si on apprécie ses caves voûtées pour y prendre un verre, il se transforme pour la période du festival en un lieu d’exposition. En vedette : Pénélope Bagieu.

 

A l’entrée des Cinq Sens, le cerbère monte la garde… Le bar s’est mis du sol au plafond aux couleurs de Pénélope Bagieu. Tables, murs et même toilettes arborent les personnages fétiches du blog BD Ma vie est tout à fait fascinante.

 

Pas de planche originale et pour cause : Pénélope Bagieu travaille directement en numérique. La bonne idée de l’exposition provient des bandes animées, qui convient de faire défiler, en « scrollant », comme on le fait sur un blog : le réel s’inspire du virtuel…

 

Toujours amusantes, les historiettes de Pénélope Bagieu peuvent révéler la solution de problèmes mystérieux. D’une part comment l’auteur est capable d’enfiler deux culottes sans s’en rendre compte et d’autre part pourquoi les Français ont droit à une campagne présidentielle au rabais.

 

Par son lieu inhabituel, l’exposition Pénélope Bagieu est une des plus chaleureuses de ce cru 2013 du Festival d’Angoulême. A nouvelle forme de B.D., nouvelle forme de mise en scène. On applaudit !

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Publié aux éditions Des Ronds dans l’O, Balilla Les Enfants du Duce s’intéresse d’une part à la mort de Mussolini et d’autre part au sort des jeunes embrigadés dans les jeunesses Mussoliniennes. Ces sujets historiques sont relatés à travers la rencontre d’un médecin légiste colombophile, qui remet en cause la version officielle de la mort du Duce. Cette obsession confine à l’obsession : il conserve chez lui une reproduction du corps de Mussolini, qu’il emmène sur les plateaux des émissions de télévision auxquelles il est invité à participer pour exposer ses thèses. Las, le sujet est tabou et le médecin objet de moqueries, jusqu’au jour où un jeune journaliste stagiaire s’intéresse à son histoire.

 

Pour sa première bande dessinée, Nathalie Baillot est parvenue à parler d’histoire en rendant le sujet très vivant. Entre intrigue policière, remise en cause de la version officielle de la mort de Mussolini et aspect historique des jeunesses Mussoliniennes, les scènes apparaissent variées et s’enchaînent sans temps mort. Une réussite pour un sujet inédit. Nous avons rencontré Nathalie Baillot sur le Festival.

Si vous deviez vous présenter en quelques mots… ?

J’ai commencé par faire de l’illustration, j’ai donc une formation aux beaux-arts. A l’origine, je faisais de livres pour enfants, je n’ai donc pas une formation B.D., même si l’envie d’en faire était présente. Quand j’habitais à Paris, j’ai fait du dessin de presse puis je suis partie vivre trois ans en Haïti. Ca a été une vraie coupure.

Pourquoi ce sujet ?

L’histoire est vraie. Ce médecin légiste qui vit avec le corps de Mussolini (en fait une reproduction en plâtre, NDLR) et sa mère centenaire, c’est l’oncle de mon compagnon. Il a constaté depuis des années des anomalies dans la version officielle de la mort de Mussolini et fait plusieurs émissions de télévision pour y défendre ses thèses. Si le personnage en lui-même est réel, je l’ai fait un peu plus caricatural dans l’album que dans la réalité. Au départ, j’avais peur que le thème soit embêtant. Mais pour un public français, le problème est moindre.

Nathalie Baillot (2)

Quelles ont été les recherches historiques à mener pour les besoins du scénario ?

J’ai lu beaucoup de livres sur les Balilla, les jeunesses Mussoliniennes. Marc Ferro a récemment publié un livre qui remet en cause la version officielle de la mort de Mussolini. Je ne l’ai malheureusement pas lu… Comme l’oncle de mon compagnon est mort, il fallait que je me renseigne autrement.

Il semble qu’une sorte de tabou a tourné autour de la mort de Mussolini jusque très tard dans l’histoire. Comment l’expliquez-vous ?

Il y a eu une trentaine de thèses différentes depuis la mort du Mussolini. Je ne sais pas si on saura un jour la totale vérité. Le tabou demeure, en effet. Quand j’ai fait lire l’album à mon compagnon qui est romain, il a jugé que le thème pouvait être choquant pour certains italiens. Je trouvais également intéressant de m’arrêter sur le thème des jeunesses Mussoliniennes, les Balilla. Les gens de ma génération connaissent en général très mal ce qu’ont vécu leurs parents lorsqu’ils étaient enfants. Les Italiens connaissent très mal les Balilla. Et le fascisme est encore très présent en Italie. On trouve encore des affiches dans les rues.

Comment adapter le dessin et la couleur à ce sujet ?

Ce n’est pas réfléchi. Auparavant, je travaillais surtout en noir et blanc. C’est ma première bande dessinée… Les tons ocre sont toutefois très présents, comme un aspect sépia, dans les scènes qui ont trait au passé.

 

Notre magazine s’appelle Save My Brain… Sauver les cerveaux. Comment peut-on le faire ?

J’ai envie de répondre : lire des bandes dessinées ! Mais j’imagine que ce n’est pas une bonne réponse, tous les auteurs doivent dire ça… Il faut lire des bandes dessinées qui n’ont pas l’air faciles au premier abord. Sinon, la méditation est également une bonne solution !

Votre coup de cœur BD cette année ?

J’aime beaucoup de Crécy. J’aime donc énormément Jorge Gonzalez, un auteur argentin qui vit en Espagne et dont l’univers est assez semblable. Je retiens aussi Pablo Auladell, pour la qualité de son dessin.

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Nous avons également rencontré Lou Lubie. Une jeune auteur de B.D. également à l’origine d’un forum dessiné (www.loulubie.fr). D’origine réunionnaise, elle a publié aux éditions Océan Un Créole en Métropole, qui décrit en cent situations humoristiques les galères de tout créole qui arrive en métropole. Tout n’est pas compréhensible pour un continental et c’est tant mieux : « cela permet de retourner la situation. De faire que pour une fois ce soit les métropolitains les étrangers ». Il n’empêche, malgré quelques situations qui nous échappent, on trouve moyen de sourire de nombreuses fois.

Morituri - Lou Lubie

Toutefois, Lou Lubie a pour principale originalité son Forum Dessiné. Un concept inédit et intéressant, qui met la création numérique à portée de tout un chacun. Laissons-lui la parole pour nous le présenter…

Si tu devais te présenter en quelques mots… ?

Je suis auteur, illustratrice et game designer. J’aime quand les choses bouges et c’est pour cela que j’ai créé un forum. Je fais du dessin, des scénarios… Je suis à la croisée de tout !

Comment t’es venue l’idée de créer un forum participatif ?

Des idées, j’en ai des tas. En général, elles m’empêchent de dormir une semaine ou deux et ça passe. Sauf que celle-là n’est pas passée !

Peux-tu nous en expliquer le principe ?

C’est très simple. Sur ce forum, on ne peut publier que des images. N’importe qui peut participer sans inscription et prendre part à chaque topic. Chaque participant a son propre avatar, sous la forme d’un personnage qu’il a créé, qui lui ressemble ou non. La règle est de ne pas dessiner le personnage de quelqu’un d’autre. Il est par contre possible de reproduire le dessin précédent dans un topic pour y insérer son propre personnage. C’est ainsi que de petites histoires se forment. Parfois, cela forme même de grandes histoires cohérentes, comme c’est le cas pour celle dénommée Prophecy, qui a réuni une cinquantaine d’auteurs. Certains participants ont un blog, certains débutent le dessin numérique par le forum. On constate d’ailleurs des progressions fulgurantes de certains participants, qui peuvent se faire la main grâce aux conseils en ligne, dans une section dédiée du forum.

Lou Lubie

Depuis combien de temps existe-t-il ?

Le forum a débuté en octobre 2008.

Des publications sont-elles prévues ?

Prophecy est déjà éditée à l’unité. Il est d’ailleurs possible de le commander sur le site.

Notre magazine s’appelle Save My Brain… Sauver les cerveaux. Comment peut-on le faire ?

Il faut décrocher des portables ! Ne pas être disponible en permanence au téléphone…

Ton coup de cœur B.D. de l’année ?

Pilules Bleues, de Frederik Peeters ! Ce n’est pas nouveau mais je l’ai découvert cette année. Et aussi Habibi. C’est un gros pavé, de Craig Thompson, qui vaut la peine d’être découvert…

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Nos vous avons déjà présenté Albin et Zélie (lire notre chronique sur Albin et Zélie), premier album de Yannick Marchat paru aux éditions La Boîte à Bulles. Ce mélange de bons sentiments et de fantastique, assorti d’un dessin poétique nous avait totalement séduits. Au Festival d’Angoulême, l’occasion de rencontrer l’auteur était trop belle…

 

Si tu devais te présenter en quelques mots… ?

(longue réflexion…) Je suis dessinateur de B.D.. Un dessinateur compulsif. Je dessine beaucoup et partout. Je suis peu sûr de moi et c’est sans doute pour ça que j’ai mis autant de temps à rentrer dans le monde de la B.D.. C’est pourtant un métier que j’ai eu envie de faire depuis tout petit. Mon manque d’assurance a repoussé l’échéance.

Comment est née l’idée du scénario d’Albin et Zélie ?

C’est un hasard. Je travaillais sur un autre scénario. Je m’étais mis au chômage pour faire de la B.D.. Le scénario sur lequel je travaillais était pour quelque chose de beaucoup plus lourd graphiquement. Et un jour, dans une marge j’ai commencé à dessiner un personnage qui était le prototype d’Albin. Je me suis alors amusé à faire trois premières planches avec ce personnage. Cette histoire d’un bonhomme qui croise une fille dans la rue au volant de sa voiture. L’histoire pouvait tenir toute seul ainsi et je l’ai postée sur mon blog. Et je me suis aperçu que les lecteurs ont bien mieux accroché à cela qu’à mon autre projet ! J’ai prolongé l’histoire, trois planches par ci, quatre planches par là, jusqu’à clore le premier chapitre d’Albin et Zélie. J’ai compilé ça pour le présenter chez des éditeurs. Et c’est la Boîte à Bulles qui a été le plus réactif.

Yannick Marchat (2)

L’histoire tourne autour de peu de personnages… Comment ont-ils été mis en place ?

Albin s’est mis en place dès le début. Sa tête et les trois premières planches disent tout de lui. Je poisson, c’est un peu une projection de moi-même. J’aime les aquariums et les poissons. Mais le poisson rouge, c’est un poisson que je n’aurai jamais. C’est un poisson étrange, une race trafiquée par l’homme. Du coup, je ne trouvais pas si incongru qu’il se mette à parler. Ce compagnon rajoutait au côté pathétique du personnage d’Albin. Pour Zélie, j’ai pris assez classiquement le parti de l’antagonisme. Face à un mec de 34 ans tout seul, je trouvais ça logique de mettre une petite nana toute jeune qui connaît la vie et qui a déjà baroudé. Pour une première expérience en B.D., ça a été l’occasion d’aborder le domaine de manière clasique.

Pourquoi avoir choisi ce saut dans le fantastique ?

Quand j’ai présenté les vingt-neuf premières planches qui constituaient le premier chapitre, je n’avais pas la suite. Je m’en étais arrêté au moment où le vaisseau extraterrestre se plante dans la ville. La Boîte à Bulles se disait intéressée mais voulait connaître la suite. Moi, je voulais signer, c’était donc un peu la panique à bord ! J’ai alors écrit ce que j’avais envie de dessiner. J’ai toujours aimé la science-fiction, le fantastique et l’onirisme. Ca m’a pris une grosse semaine de travail et j’ai envoyé le scénario. Je me suis dit au pire, ils me demanderont des retouches, au mieux, ce sera OK. Dans quelques planches, on y trouve des influences de Série B. Et des références au film Le Jour où la Terre s’arrêta au moment du retour de Zélie dans la Cité, avec la phrase culte qui est citée.

Yannick Marchat (3)

Quelles ont été tes références pour l’esthétique de cette plongée dans l’inconnu ?

Il y en a tellement… Dans certaines planches, Franquin est très prégnant. Dans la narration, il y a du Fred également. Cette manière dont les personnages subissent l’action, avant de retomber par un arrangement inopiné. Le Petit Cirque est une des B.D. qui m’a le plus marquées et je n’arrête pas de la lire et de la relire avec chaque fois un degré différent. On m’a trouvé des références de Loisel, même si je pense que c’est plus inconscient que voulu. Je pense aussi qu’inconsciemment, il y a des références manga. Comes aussi, dans le côté graphique du noir et blanc. Un peu du côté hybride de Frederik Peeters, aussi. Notamment dans la présentation de Zélie qui va du motif abstrait au plan général figuratif. Ca rappelle un peu Pilule Bleue.

Pourquoi ce choix du noir et blanc ?

C’est venu dès le départ. Je ne me considère pas bon coloriste. En plus, je n’arrive pas à m’arrêter sur un dessin donc je me retrouve vite avec quelque chose de très contrasté. Il y avait aussi un côté pratique, dans le sens où c’est une longue histoire. Ca m’a pris deux ans. Je n’allais pas m’handicaper avec la couleur qui m’aurait fait perdre du temps.

Notre magazine s’appelle Save My Brain… Sauver les cerveaux. Comment peut-on le faire ?

En remettant tout en cause. Tout ce qu’on voit, ce qu’on entend, ce qu’on vit… C’est en se façonnant qu’on peut sauver son cerveau.

Yannick Marchat

Ton coup de cœur B.D. de l’année ?

Plusieurs trucs. Mais celui qui me vient à l’esprit immédiatement, c’est Lorna, de Brüno (lire notre chronique sur Lorna). Quand je l’ai refermé, je me suis dit que c’est quelque chose que j’aurais aimé faire. Ce côté cinéma de mauvais goût…

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