Femme de légende

Isadora Duncan, la muse moderne

Isadora Duncan (1877-1927) est une danseuse américaine qui  révolutionna la danse en brisant les codes stricts de la danse classique. Elle fut le premier pas vers la danse moderne et même contemporaine. Femme libre et à contre-courant, elle brisa également de nombreux codes sociaux et moraux, devenant une figure incontournable de la femme moderne indépendante.    Née à San Francisco le 26 mai 1877, elle connait très tôt la pauvreté et l’injustice sociale. Peu intéressée par le cadre rigide de l’école, elle révèle bientôt des talents de danseuse. Pour aider sa mère pianiste, elle donne des cours de danse avec sa sœur aux enfants du quartier. En 1895, elle entre dans une compagnie de théâtre à New-York, mais vite déçue par cet art, décide de retourner à son premier amour, la danse, et de s’envoler vers l’Europe.

C’est à Paris que le succès commence vraiment. Isadora amène une nouvelle philosophie de la danse inspirée de la mythologie et de la philosophie grecque. Elle rejette tutu, pointes et autres accessoires de danse classique et prône une danse naturelle, basée sur les émotions et la spontanéité. Elle danse pieds nus, parfois presque entièrement nue, simplement vêtue de quelques voiles et crée par cette originalité un nouveau style. Un style primitif basé sur l’improvisation. Même la musique devient accessoire, la seule vraie musique est celle de l’intérieur. Cette nouvelle façon de danser librement, loin des carcans rigides de la danse de l’époque, est empreinte de spiritualité, un retour à l’ancien pour évoluer vers la modernité. Isadora Duncan pensait que le ballet classique, avec ses règles strictes et ses codifications, était « laid et contre-nature », seule l’émotion est vraie, et c’est cela la danse. Un sentiment profond de liberté, une forme d’expression sans carcan, sans règles. Cette nouveauté fit de nombreux adeptes, à une époque où le Paris bohème est en pleine émulation artistique.

Vêtue de tuniques grecques et d’écharpes multicolores, elle donne des cours à Paris qui connaissent vite un grand succès, du fait de son enseignement peu conventionnel. De nombreux artistes de l’époque l’admirent. Ecrivains, peintres, sculpteurs et philosophes adhèrent à la culture de l’émotion, de la spontanéité et de la libre expression du corps. En 1913 son portrait est gravé par le sculpteur Bourdelle sur les bas-reliefs du théâtre des Champs-Elysées et Maurice Denis la peint sur la fresque de l’auditorium qui représente les neuf muses.
Pédagogue de génie, son talent d’enseignante la pousse vers d’autres horizons, après le succès parisiens et la renommée mondiale qui s’en suivit. En 1922, elle décide de s’installer à Moscou pour montrer son adhésion à la nouvelle expérience sociale et politique de l’Union Soviétique. Cependant son personnage extravaguant, sortant totalement des sentiers battus, a du mal à se frayer un chemin au sein de l’austère Russie, pays du très strict Bolchoï. Elle décide donc de retourner à l’ouest deux ans plus tard.

Il faut savoir d’Isadora que, toute sa vie, elle n’a voulu que danser et enseigner, tous les aspects commerciaux de son métier (les tournées, performances en publiques, les contrats…), tous les aspects pratiques étaient pour elle des moyens de la détourner de ses vrais désirs : créer de la beauté et transmettre aux plus jeunes cet art. Elle décida ainsi de créer plusieurs écoles (en France, Allemagne et Russie) dédiée à sa philosophie, et essaya même d’y inclure des garçons, ce qui fut pourtant un échec. C’est en Allemagne qu’elle monta la troupe la plus célèbre: Les Isadorables. Ces danseuses prirent toutes son nom (Duncan) et dansèrent ensemble ou de façon indépendante en essayant de respecter sa philosophie et de la transmettre.

Aujourd’hui de nombreux chorégraphes, danseurs et même théoriciens de la danse rendent compte de l’influence d’Isadora. Elle est la première à s’inspirer de la nature, par exemple le rythme des vagues. La première à s’affranchir de la musique et à écouter son propre rythme interne. La première à faire sauter les carcans et à danser librement. Elle a inventé un nouveau langage du corps (que certaines tribus primitives n’ont jamais oublié). La danse n’est pas seulement un art, ce n’est pas seulement beau, c’est un langage pour communiquer. D’après Serge Lifar, la « danse nouvelle », invoquée par Isadora, est « une prière et ses mouvements doivent diriger leurs ondes vers le ciel en communiquant au rythme éternel de l’univers ». Elle déclare elle-même être venue en Europe « pour amener une renaissance de la religion au moyen de la danse, pour révéler la beauté et la sainteté du corps humain par l’expression de ses mouvements, et non pour distraire des bourgeois gavés après le dîner. Danser, c’est prier »

Du côté de sa vie privée, Isadora multiplia les amants et amantes mais aussi les drames. Féministe engagée, elle milita toute sa vie pour  l’égalité des sexes. Souvent décriée comme une femme frivole, elle rétorquait être une femme libre et indépendante avant tout. Comme dans sa vie professionnelle, elle décida de faire fi de tous les carcans moraux traditionnels. En 1922, elle épouse Serguei Essenine, un poète russe de 18 ans plus jeune qu’elle. Elle se sépare très vite de lui, enclin à l’alcoolisme et à la violence. Il se suicide quelques années plus tard à l’âge de 30 ans.

Elle eut deux enfants hors-mariage et de pères différents: Deirdre en 1906 et Patrick en 1910. Malheureusement, ses deux enfants moururent noyés dans la Seine en 1913 (le conducteur de la voiture oublia de mettre le frein à main et la voiture, avec les enfants et la nourrice, tomba dans la Seine). Traumatisée par ce drame, elle parcourut l’Europe à la recherche d’un peu de calme et de solitude. Elle décide ensuite de s’engager pour les enfants démunis et reprend parallèlement sa lutte pour l’égalité des sexes, mais aussi des classes.

Marquée par les drames (le suicide de son mari, la mort de ses enfants…), sa fin est tout aussi tragique et absurde. Elle meurt le 14 septembre 1927 à Nice, étranglée par le voile rouge qu’elle portait et qui fut pris dans les rayons d’une roue d’automobile. Elle fut incinérée et ses cendres reposent au Père Lachaise auprès de ses enfants.

Isadora avait créé un art innovant qui plaisait énormément aux intellectuels et artistes européens mais qui choquait ses compatriotes Américains et la bonne société. Elle fut une mère anéantie, mais aussi une femme et une artiste épanouie, une féministe, une révolutionnaire (« Mon voile est rouge, je le suis aussi »), une extravagante scandaleuse qui a toujours suivi sa devise: vivre sans limite et danser toujours et encore, danser librement sa vie… Une légende est née.

A lire absolument:
Isadora Duncan, Ma vie, traduit de l’anglais par Jean Allary, éditions Gallimard, 1928

«Isadora Duncan (1878-1927) a montré un génie précoce pour la danse. Elle n’a vécu que pour son art et les conceptions anticonformistes qu’elle en avait. Son credo esthétique est commandé par la revendication d’une totale liberté d’expression. Dans ce livre elle raconte sa vie aventureuse et nomade. Née à San Francisco, elle s’installe successivement à New York, à Londres, à Paris, à Berlin et ses tournées en Europe et aux Etats-Unis suscitent enthousiasme ou scandale. Au fil des pages, elle s’exprime sur la danse, sur la liberté de l’inspiration, sur l’étroitesse d’esprit d’une certaine Amérique ainsi que sur la condition féminine. Isadora Duncan est dans les premières à militer dans le sens d’une libération de la femme. Pleine d’humour, passionnée de poésie, imprégnée d’hellénisme, amoureuse de la nature, Isadora Duncan livre au lecteur ses riches expériences personnelles. Peu avant sa disparition accidentelle à Nice, elle travaillait encore à ce livre.»

A voir:
Quelques vidéos:

http://www.youtube.com/watch?v=XEkf3lBzJn4&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=mKtQWU2ifOs

http://www.arte.tv/fr/la-danse-l-art-de-la-rencontre/2055464.html

Films:
Isadora Duncan, the Biggest Dancer in the World, téléfilm britannique de Ken Russell (1966).

Isadora, film franco-britannique de Karel Reisz (1968).

A consulter:
http://www.isadoraduncan.net/

http://www.isadoraduncan.org/

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