Musicalement vôtre

Vous reprendrez bien un peu de jazz ?

A ceux qui disent « Ah non merci », à ceux qui ne prendront même pas la peine de lire cet article, à ceux qui trouvent le jazz répétitif, ennuyeux parce qu’il n’y a pas de paroles, à tous les frustrés des préjugés, je dis : dommage, je ne peux rien pour vous.

Si vous êtes du genre à penser que seuls les bobos écoutent TSF Jazz, qu’une soirée jazz se résume à un piano, des cocktails, un crooner sourire émail diamant, des paillettes, une croisière qui s’amuse, Amanda Lear, un décolleté échancré… Amanda Lear ?!? Autant vous le dire tout de suite : vous êtes à côté de vos pompes, mais je peux encore faire quelque chose pour vous (petits veinards).

Si par contre en pensant jazz vous vous imaginez un cigare à la main, un whiskey dans l’autre, assis confortablement dans un fauteuil club, vous laissant porter par le son crépitant d’un vinyle de La guilde du jazz : alors là, c’est que vous êtes dans ma tête et ça ce n’est pas normal.

Le jazz ne se résume pas à quelques clichés. Le jazz ce n’est pas que du piano, des cuivres et des gens qui s’époumonent tels des batraciens furibonds. Le jazz ne se limite pas à Miles Davis, et à quelques standards. Le jazz s’improvise, mais pas que.

Aujourd’hui, je me suis donnée pour mission impossible de vous faire aimer (ou du moins découvrir) le jazz, en vous livrant quelques petites perles dénichées ici et là.

Je ne me donnerai pas la peine d’essayer de vous expliquer d’où vient le jazz, comment a-t’il évolué, quelles sont ses influences… c’est couru d’avance, je n’y arriverai pas. Mélange de courants musicaux très divers, il s’est prêté au fil des ans à une multitude de métissages avec le blues, le rock, la soul… et même le hard rock, donnant naissance à une grande variété de styles musicaux (be-bop, fusion, free-jazz…). Le jazz est un genre musical si riche et si complexe qu’il est presque impossible de le décrire, et pour tout vous dire, on ne sait même pas précisément d’où vient le mot « jazz », alors…

Pour vous faciliter la vie, sachez que la plupart des standards du jazz figurent dans le Real Book, livre de chevet des musiciens de jazz et que beaucoup de ces standards ont d’abord été des succès à Broadway.

Summertime, par exemple, a été composé en 1935 par George Gershwin pour son opéra en trois actes « Porgy and Bess » dont l’action se situe dans les années 1930 en Caroline du Sud. Dans cette Amérique en pleine dépression, les noirs de cette pièce restent optimistes face à la misère qui s’abat sur eux. Cette berceuse en est la preuve.

Ce standard, comme son nom l’indique, a été interprété à de multiples reprises, et notamment par Charlie Parker en 1949.

Pour la version chantée, je vous laisse apprécier la version inégalable de ces deux « monstres » du jazz que sont Ella Fitzgerald et Louis Armstrong, enregistrée en 1957 :

Côté rock, on ne passera pas à côté de la reprise envoûtante de Janis Joplin en 1969, accompagnée à la guitare par un inconnu, un certain Jimmy Hendrix :

Ceci est une version karaoké, allez-y, donnez tout ce que vous avez ! Quoi ? Des voisins ? Connais pas.

Si je vous dis Teardrop de Massive Attack, ça vous dis quelque chose ? Et si je vous dis que c’est le générique TV d’une série médicale racontant l’histoire un poil tordu du Dr. Maison ? Non, toujours pas ? Bon alors, pour mémoire, voici le titre original de 1998 :

Il se passe des choses pas nettes dans ce bidon, c’est moi qui vous le dis. Au passage, vous saviez qu’un teardrop est un traumatisme sévère qui survient le plus souvent à la suite d’un plongeon en eau peu profonde, ou d’un accident de la voie publique ? Non ? Bah maintenant vous le savez. Revenons-en au jazz.

Brad Mehldau, jazzman américain, aime faire des reprises de grands classiques du jazz, du folk, du rock… et c’est son droit. Il a d’ailleurs fait une très jolie reprise de Teardrop (de Massive Attack, pas le traumatisme), tout en finesse au Festival de jazz de Vienne en 2010 :

Voici par ailleurs sa propre version du titre Exit Music (For a Film)…

… dont l’original a été écrit par le groupe Radiohead (lui-même inspirée par un prélude de Chopin) pour le générique de fin du film Roméo+Juliette en 1996…

Je vous vois venir, bientôt vous allez me dire : « En fait le jazz, c’est surtout des reprises. » Détrompez-vous. J’en veux pour preuve ce qui va suivre.

Imaginez la Nouvelle Orléans, le soir qui tombe, la fraîcheur qui s’installe, vivifiante après une après-midi lourde de chaleur, un club enfumé dans le bayou, plein à craquer, sur scène quelques musiciens noirs exaltés, une chanteuse qui déclame, tout en force et en retenue un texte engagé. Vous prenez le frais accoudé à la terrasse en bois du bar, avec pour trame de fond les bruits du Mississippi et de ses habitants sortant peu à peu de la torpeur estivale…

Ce titre énergique, « bananisant » est trompeur, car les paroles sont lourdes de sens. Mississippi Goddam a été écrit, composé et interprété en 1964 par la talentueuse pianiste américaine Nina Simone, afin de dénoncer l’attaque par le Ku Klux Klan d’une église en Alabama dont l’explosion a tué quatre enfants noirs.

En guise de bonus tracks et pour revenir à une note un peu plus légère (ou pas), je vous propose cette ballade entêtante intitulée The Expedition du groupe Ultraïa Octet, sorti tout récemment de l’œuf.

http://www.myspace.com/ultraiaoctet

Ce morceau raconte les mésaventures du Chevalier Cavelier de La Salle, chargé par Louis XIV d’implanter une colonie dans le delta du Mississippi. Malheureusement pour lui, l’expédition tourne mal, il est assassiné par ses hommes au cours d’une mutinerie…

On est loin de l’ambiance piano bar – saucisses cocktail évoquée précédemment. Ici le jazz se fait mélancolique, méditatif. Ce qui m’amène à penser que le jazz, par sa complexité et sa variété, peut à lui seul illustrer toute la palette des sentiments humains.

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