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Three Billboards : Les Panneaux de la vengeance de Martin McDonagh : une peinture désenchantée de l’Amérique sur fond de thriller policier

Réalisateur de Bon Baisers de Bruges (2008) et de 7 Psychopathes (2012), Michael McDonagh s’attaque à son premier long-métrage dans le territoire américain avec Three Billboards : Les Panneaux de la vengeance, polar intimiste racontant la lutte d’une mère meurtrie par le viol et la mort de sa fille contre les forces de police d’Ebbing, au Missouri. Excédée par l’absence de résultats concrets depuis neuf mois, la mère, du nom de Mildred Haynes, décide de saisir les trois panneaux publicitaires en dehors de la ville pour crier sa colère, ce qui ne manque pas d’alerter tous les citoyens. Inspiré d’un fait réel – des panneaux publicitaires servant à afficher des crimes non résolus dans l’Amérique du Nord –, le cinéaste britannique compose un scénario original pour ce film au fond glaçant mais à la tonalité sarcastique. Remportant quatre distinctions aux Golden Globes 2018, Three Billboards Outside Ebbing, Missouri est l’un des favoris à la 90e cérémonie des Oscars.

Tourné à Sylva en Caroline du Nord, le film de Martin McDonagh dépeint le portrait d’une Amérique rurale en proie à ses démons intérieurs. Le réalisateur ne se contente pas d’une intrigue policière pour structurer son œuvre mais s’en sert justement de ressort dramatique pour explorer les répercussions de la violence sur la nature humaine. Les panneaux publicitaires, dénaturés par Mildred, sont révélateurs d’un mal inconscient qui habite la petite ville d’Ebbing. De cette manière, le film représente avec un ton aigre-doux un monde en décrépitude morale, où la notion de justice est malmenée par des situations malencontreuses qui entraînent un cycle de violence perpétuel. La révolte personnelle de Mildred élevée à grande échelle soulève une vieille rancœur au sein d’Ebbing, comme si une étincelle venait d’embraser toute une ville en ranimant les ombres du passé. C’est avec mélancolie et ironie que le cinéaste britannique traite cette situation critique, ménageant la portée dramatique de son long-métrage avec une émotion à fleur de peau ainsi qu’un humour noir percutant. Si le cadre d’une Amérique ridiculisée dans ses travers les plus excessifs peut faire écho au cinéma des frères Coen (Fargo, The Big Lebowski, Barton Fink), la grande qualité de 3 Billboards réside en cette capacité de mettre en scène avec justesse les rapports humains. Construit comme un duel entre trois personnalités distinctes – une mère endeuillée, un chef de police amer et un agent idiot sur les bords, particulièrement nerveux –, le film explore la psychologie de ces personnages perdus et brisés de l’intérieur. Mildred Haynes remet en cause les injustices à cause de l’incompétence des forces de police mais se renferme sur elle-même jusqu’à des extrémités brutales, tandis que ses opposants auront un destin plus surprenant, dépassant leurs stéréotypes pour devenir plus touchants. La finesse de l’écriture des personnages est soulignée par les performances habitées des trois acteurs principaux, Frances McDormand, Woody Harrelson et Sam Rockwell. Evitant tout manichéisme, Martin McDonagh parvient à dégager toute en subtilité une humanité frontale de ces personnages pittoresques.

De l’atmosphère brutale jusqu’aux dialogues ciselés, Three Billboards : Les Panneaux de la vengeance est un film sublime, touchant avec grâce la fragilité de tout être humain. Sur un ton railleur qui fait toujours effet, le cinéaste britannique Martin McDonagh joue la carte de l’intime pour ce thriller policier, dessinant habilement les nuances de ses personnages. Il en ressort un film au ton crépusculaire qui dépeint une réalité cruelle teintée d’une humanité inattendue.

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