Femme de légende

Niki de Saint Phalle

Niki de Saint Phalle (1930­-2002) est une femme forte, une sacrée nana aux nombreux talents. Apparentée au courant des Nouveaux Réalistes (comme César, Christo et Klein entre autres…), elle fut peintre, sculptrice, plasticienne et réalisatrice de talent. Si vous ne connaissez pas son nom, vous devez au moins connaître ses fameuses sculptures « les nanas », ces grandes dames rondes et colorées disséminées à travers le monde. Niki de Saint Phalle a eu une vie très mouvementée comme nous allons le voir.Niki de Saint-Phalle

Catherine Marie-Agnès Fal est née le 29 octobre 1930 à Neuilly-sur-Seine dans une famille plutôt bourgeoise, d’un père banquier, français, et d’une mère américaine. Après le krach boursier de 1929, son père perd sa fortune et envoie Niki chez ses grands parents. Elle finit par rejoindre ses parents installés à New-York, mais Niki supporte mal le cocon familial et se fait régulièrement renvoyer de l’école (notamment pour avoir repeint en rouge vif les feuilles de vignes des statues dans la cours de l’école). Elle passera le reste de sa scolarité dans un institut religieux strict jusqu’à l’obtention de son baccalauréat.

A 18 ans, elle commence une carrière de mannequin, pour Vogue notamment, et rencontre son premier amour, Harry Mathews, avec qui elle s’enfuit pour se marier. Dans les années 50, le couple et leur premier enfant, Laura, s’installent à Paris. Trois ans plus tard, suite à une grave dépression nerveuse, Niki est internée à l’hôpital psychiatrique de Nice où elle commence une art-thérapie. C’est ici qu’elle trouve sa voie. La peinture l’ayant énormément aidée, elle décide d’abandonner ses études de comédie pour devenir peintre.

D’un point de vue personnel, elle quitte son mari pour Jean Tinguely, un artiste suisse. Elle voyage beaucoup et notamment en Espagne où elle découvre les œuvres de Gaudi qui l’inspireront grandement, mais aussi la maison du Facteur Cheval dans la Drôme où elle passera de nombreuses vacances. Elle rencontre également de nombreux artistes de son époque comme Arman, Klein ou Dali. Elle fait la connaissance du peintre Hugh Weiss qui deviendra un ami très proche et l’encouragera tout au long de sa carrière.

En 1961, elle réalise sa première exposition où elle devient célèbre avec ses « Tirs » : fixés sur une planche, des tubes de couleurs sont recouverts de plâtre et sont percés à l’aide de tir à la carabine faisant éclater les couleurs. Tous les spectateurs sont invités à tirer. Cette nouvelle façon de peindre la projette sur la scène internationale. Cette performance artistique plutôt violente est une façon pour elle d’extérioriser ses démons, en tirant sur ses toiles, elle tire sur la société, sur son père pour se libérer du poids de l’inceste vécu quand elle était une petite fille. Comme elle le dit « Il existe dans le cœur humain un désir de tout détruire. Détruire c’est affirmer que l’on existe envers et contre tout. »

Elle continue de se faire connaître grâce à ses nanas géantes. Elle explore le rôle de la femme dans la société et quelque part ses grosses dames géantes sont un peu une métaphore de ce qu’elle aurait aimé être étant petite : une femme forte capable de se défendre contre son père. Elle cherche à changer la représentation artistique de la femme en brisant les codes de l’esthétisme. En France, ses grosses dames colorées ne sont guère appréciées jusque dans les années 90, mais elle trouve son succès en Allemagne, en Hollande, en Suisse ou encore en Suède, où elle créée une gigantesque nana de 28 mètres sur 9 : « Hon », « Elle » en suédois.

Avec son nouveau mari, Jean Tinguely, ils voyagent à travers le monde en quête de projets. Ensemble ils créent la Fontaine Stravinsky près du Centre Pompidou à Paris, Le Paradis Fantastique à Montréal, Le Cyclope à Milly-la-Forêt, la fontaine de Château Chinon sur la demande du président François Mitterrand. Leur plus grande réalisation reste le Jardin des Tarots à Capalbio en Italie. Depuis qu’elle a visité le Jardin de Gaudi à Barcelone, Niki rêve de faire un jardin empli de sculptures. Ce sera le Jardin des Tarots, qui ouvre ses portes en 1998 avec en ouverture la gigantesque sculpture de la Papesse.

Fontaine Stravinsky - Niki de Saint Phalle

Fontaine Stravinsky (Paris) / Crédit : Nelly Glassmann

Parallèlement, Niki est une artiste polyvalente qui créée des bijoux, des costumes pour des ballets, des parfums, écrits des scénarios de film, dessine, illustre des livres et s’engage activement dans la lutte contre le sida (Elle écrit et fait les dessins du livre « AIDS: You Can’t Catch it Holding Hands) …
Niki créée à travers et pour le monde entier. La jeune fille s’est enfin libérée de ses démons et fait ce qu’elle aime. Durant de nombreuses années, Niki s’est révoltée contre le rôle de la femme dans la société, cependant lorsqu’elle est devenue épouse et mère, par deux fois, elle s’est conformée au rôle que la société voulait bien lui donner. C’est pourquoi elle tomba dans une sévère dépression, tiraillée entre son désir de liberté et d’indépendance et son rôle de mère dans la vie quotidienne. Ce malaise s’exprime partout dans son art. Elle trouve également l’inspiration dans un événement sombre de son enfance, le viol par son père à l’âge de 11 ans. Les Tirs lui permettrons d’exprimer toute sa haine. La création artistique sous toutes ses formes sera son salut, sa révolte. En 1994, elle publie Mon secret où elle se libère totalement en racontant son viol. Un témoignage émouvant qui éclaire l’œuvre et la personnalité de Niki.

Après avoir travaillé dans le monde entier et voué sa vie à la création, Niki meurt d’une grave maladie qui touche ses poumons, liées aux vapeurs toxiques inhalées durant la préparation de ses œuvres à base de résine synthétique. Elle laisse une œuvre gigantesque comme ses extraordinaires Nanas dont elle fait partie. Niki était une artiste et une femme complète pour laquelle, je dois l’avouer, j’ai beaucoup d’admiration.

A voir :

Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely. Les Bonnies and Clyde de l’art, film documentaire de Louise Faure et Anne Julien, ARTE, 2010, 55 min.

Les tirs :

Le jardin des tarots :

Les nanas :

Films de Niki de Saint Phalle :

1976 Un rêve plus long que la nuit de Niki De Saint Phalle

1973 Daddy de Niki De Saint Phalle et Peter Whitehead

A lire :

Catherine Francblin, Niki de Saint Phalle, La révolte de l’œuvre, Paris, Hazan, 2013

Carla Schulz-Hoffmann et Pierre Restany, Niki de Saint Phalle : My Art, My Dreams , 2003

Niki de Saint Phalle, Mon secret, Editions La différence, 1994

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