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Sam Raimi : le cinéaste expérimental

Samuel M. Raimi, né au Michigan le 23 octobre 1959, a toujours été fasciné par l’image des films et leurs sensations procurées aux spectateurs. Pourtant, dans son enfance, il n’avait presque jamais regardé un grand nombre de films à la télévision ou au cinéma mais il était déjà intéressé par la manière de travailler sur un projet de film.

SAM RAIMI

Le Cinéaste Expérimental

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I)                   Sam Raimi, un homme à la recherche d’une passion :

  1. 1.      Enfance et découvertes :

Travailler seul ou en groupe l’a motivé à se passionner pour le cinéma, alors que ses parents envisageaient pour lui l’héritage de l’entreprise familiale – gérer une entreprise d’ameublement. En rejoignant ses frères Ted et Ivan Raimi, Sam Raimi s’inscrivit à l’Université Wylie E. Govers en cours d’art dramatique. C’est là que son adhésion à l’univers cinématographique se concrétisa petit à petit.

  1. 2.      « Famille » cinématographique :

En 1975, lors de ses études, Raimi rencontra Bruce Campbell, étudiant en vue de devenir acteur et producteur. Une grande amitié se tissa entre ces deux étudiants motivés. Leur collaboration permettra plus tard de fonder une jeune équipe, la « Detroit Mafia », composée d’un producteur Robert Tapert, d’un apprenti acteur-réalisateur-scénariste Scott Spiegel ainsi que des deux frères Raimi. Avec Spiegel et Campbell, le jeune Sam Raimi participait à l’élaboration d’une série de courts-métrages réalisés en super 8 et inspirés par le style comique des Three Stooges, influence qui se retrouvera plus tard dans l’œuvre de Sam Raimi en tant que réalisateur. A cette période-là, la carrière de Sam Raimi garantissait un bel avenir avec sa bande d’amis. A ce jour, six films dans sa filmographie très variée lui ont donné l’image d’une figure incontournable du cinéma moderne, à savoir les sagas Evil Dead pour les cinéphiles amateurs de film d’horreur et Spider-Man pour le grand public.

II)                Sam Raimi, un amateur excentrique de films d’horreur – sa trilogie Evil Dead 

1.      The Evil Dead, un coup d’essai qui se transforme en référence :

The Evil Dead est le tout premier film réalisé par Sam Raimi en 1983. S’il est adulé de nos jours, ce film était risqué lors de son élaboration. En effet, Raimi et Tapert envisageaient de travailler sur des longs-métrages dès la fin des années 70. Il faut savoir que ce projet était déjà conçu en 1978 sous la forme d’un court-métrage, nommé Within the Woods. Grâce au petit succès de cette production, le duo s’empressa de réunir les fonds pour envisager rapidement le tournage d’une version améliorée en long-métrage. Appelé à l’époque Book of the Dead, le projet de Raimi a été fait à l’aide de sa bande d’amis et des frères Coen, encore étudiants à ce moment-là. The Evil Dead fut tourné avec les moyens du bord (une maison, peu d’acteurs, l’utilisation de la pâte à modeler pour les effets gore), mais l’étape la plus difficile pour ses créateurs furent la distribution de leur œuvre. Plusieurs sociétés de production ont été réticentes à l’idée de vendre un tel produit aussi original. Cela a conduit Sam Raimi à fonder sa propre société, Renaissance Films, pour permettre au film de sortir en salles.

Une fois sorti sur grand écran, le long-métrage a connu un statut de film d’horreur culte qui est aujourd’hui confirmé par plusieurs générations. Cependant, le point le plus intéressant concernant la production de cette première œuvre est de savoir que Sam Raimi n’avait jamais vu un film fantastique et horrifique jusqu’ici. Ce fut Scott Spiegel qui lui fera découvrir ce domaine cinématographique. Raimi voit ici l’occasion de percer dans le milieu du cinéma avec une production qui surfe sur la mode de son époque, les slashers movies  et les films d’épouvante (« Massacre à la Tronçonneuse » et « L’Exorciste » par exemple). C’est pourquoi The Evil Dead propose une histoire désormais classique de nos jours : un groupe d’adolescents se réfugie dans une cabane au milieu des bois, sans se douter que celle-ci abrite un esprit frappeur malfaisant. Or, ce qui fait l’originalité du film de Raimi par rapport aux autres films de l’époque, c’est son traitement visuel et surtout sonore. L’ambition principale du réalisateur était de réussir à créer des sensations d’angoisse pendant quatre-vingt minutes sans répit. L’effet est réussi, car le travail des bruits à l’extérieur et à l’intérieur de la cabane a été minutieusement étudié. Ainsi, le spectateur s’identifie aux personnages durant les instants de menace. Il ne supporte pas la sensation de vide planant et exprime un stress alarmant au moindre effet de tension. Si le long-métrage excelle dans sa façon de créer des sueurs froides au spectateur, il fait preuve d’une ambiance étrange par l’intervention de quelques scènes excessives et étonnamment délirantes pour un produit de ce genre.

Œuvre mythique pour beaucoup de fans du cinéma d’épouvante, The Evil Dead réussit à surprendre le public pour un film indépendant à petit budget. La vision de ce film est toujours dérangeante car la mise en scène particulière du réalisateur arrive à nous rendre mal à l’aise, même pour le personnage d’Ash, incarné par Bruce Campbell, qui ne reste qu’une victime craintive dans ce premier film. Par contre, les moments supposés déjantés du film, désormais caractéristiques de cette saga, sont peu présents et peuvent apparaître dans ce cas incongrus dans cette histoire à priori sérieuse. Cela expliquerait la réaction mitigée que porte Sam Raimi, plus intéressé par la comédie débridée, face au résultat final. Peu importe, il a délivré une œuvre novatrice avec ce premier film. Classique exemplaire de nos jours, le premier volet de la saga met en scène une admirable transgression des codes du cinéma d’horreur grâce à l’intervention de délires propres au cinéaste.

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2.      Evil Dead II, un mélange des genres aussi scindant que dérangeant :

Six ans après le premier volet, Sam Raimi conçut une suite dédiée à Evil Dead avec l’aide financière du producteur italien à succès, Dino De Laurentiis. Le jeune cinéaste avait l’intention de reproduire la même trame que le premier opus avec la garantie d’une liberté totale. Sans nier totalement les mésaventures précédentes, le film se concentre désormais sur le personnage incarné par Bruce Campbell, Ash, qui retourne des années plus tard dans la cabane maudite avec sa petite amie.

Dans ce film, Raimi livre, si on peut le dire, sa véritable vision de l’univers d’Evil Dead. Ce n’est pas à un énième film d’épouvante auquel assiste le spectateur, mais c’est à une comédie d’horreur survoltée et surnaturelle. Ici, Ash, le héros campé par Bruce Campbell surprenant dans son jeu, se retrouve seul dans cette cabane infernale. C’est l’occasion au réalisateur de délivrer ses idées humoristiques liées au cartoon : on voit entre autres Ash jouer au chat et à la souris avec sa main possédée décidément fugace. Parmi les escapades de ce personnage incongru dans une bâtisse qui lui sert d’asile, Sam Raimi privilégie un rythme plus rapide afin de donner aux gags du film un impact quasi efficace. Pourtant, ce serait un comble d’oublier que le métrage reste attaché à l’épouvante. C’est bien l’un des rares films à allier avec habileté horreur et humour burlesque dans les mêmes scènes. Mais plus encore, Raimi profite de l’opportunité d’une suite pour développer un peu plus l’univers. Très influencé par les ouvrages littéraires de H.P. Lovecraft, le jeune cinéaste met en place toute une histoire mystique autour de cette demeure démoniaque grâce à l’importance d’un livre ancestral nommé le « Necronomicon ». Le personnage d’Ash prend aussi de l’épaisseur : de victime roublarde dans le premier film, le personnage passe d’anti-héros déglingué à un combattant atypique.

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Considéré comme le meilleur de la saga, Evil Dead II est un film jouissif grâce à son inventivité visuelle folle. Bien que le principe du remake voulu par Sam Raimi nuise au statut de suite du film, celui-ci montre avec fierté la patte artistique d’un réalisateur bien généreux.

 

 3.      Army of Darkness, une quête azimutée pour un héros improbable :

Ayant un peu d’expérience, Sam Raimi lança en production une troisième suite de la saga Evil Dead. Rebaptisée Army of Darkness pour sa sortie en salles en 1993, Raimi décide de ne plus faire un éternel recommencement de la franchise, mais veut se l’approprier intégralement en la prolongeant. Ainsi, on suit Ash, le personnage phare de la saga, tel qu’on l’a laissé à la fin du précédent. Coincé au plein cœur du Moyen-Âge, il devra remuer ciels et terres pour retourner dans son époque. Cet opus-ci est le plus controversé de la trilogie : certains le voient en film d’aventures réjouissant et assumant son côté cheap, tandis que d’autres le rejettent par manque de scènes d’horreur.

Il faut savoir que Sam Raimi voulait depuis toujours faire un film-somme avec toutes ses références personnelles, principalement les écrits de H.P. Lovecraft. Avec l’assurance obtenue grâce aux deux premiers opus, il s’est donné l’occasion de se faire plaisir avec ce long-métrage. Si ce volet d’Evil Dead contient moins d’épouvante que précédemment, le spectateur assiste malgré tout à un défilé généreux d’influences propres au cinéaste. De références, Army of Darkness en est riche : le spectateur se régale à la vue de squelettes gladiateurs animés image par image en hommage à Ray Harryhausen, d’un combat avec des mini-êtres parodiant le roman Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift ou les situations extrêmement burlesques lorgnant vers le cartoon de Tex Avery et le comique du duo Laurel & Hardy. De ce fait, le film s’apparente à une grande fresque héroï-comique, puisque le personnage de Ash devient un héros implacable, gaffeur mais victorieux. Bruce Campbell incarne avec brio cet humain ordinaire aux péripéties extraordinaires. Il se livre à un jeu visuel impressionnant et hilarant. Le film de Raimi est remarquable tant il assume son aspect rétro et ses virements improbables.

Œuvre totalement atypique dans le paysage cinématographique, Army of Darkness est un chef-d’œuvre d’humour rocambolesque. C’est une farce médiévale cinglée, filmée avec toute la générosité d’un cinéaste ambitieux. Référencé, épique et désopilant, ce film est personnellement le volet que je préfère de la saga Evil Dead. Prolongeant l’histoire en faisant d’Ash une parodie de grands héros comme Conan le Barbare ou les supers-héros, ce long-métrage est un grand spectacle d’humour ironique, qui casse en amont tous les clichés de produits de films d’action typiquement hollywoodiens. Sam Raimi s’éclate et entraîne le spectateur au cœur d’un spectacle visuellement dingue, étonnamment démesuré et intelligemment affranchi des modes du cinéma destiné au grand public.

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III)              Sam Raimi, un homme intéressé par le cinéma :

1.      Mort Sur Le Grill, un cartoon live à petit budget :

Deuxième film de Sam Raimi, Mort sur le grill est sorti au cinéma en 1985. L’histoire mélange curieusement le film noir et l’humour burlesque : un jeune maladroit devra arrêter malgré lui des chasseurs de prime un brin dérangés. Avec un scénario écrit par Raimi et les frères Coen, connus pour leurs thrillers haletants, ce long-métrage a connu plusieurs désaccords entre la production et l’équipe du film. Le montage final a été repris par les producteurs, afin d’alléger le plus possible l’humour subversif du film voulu par le réalisateur. Car cette production n’est ni plus ni moins qu’un cartoon grand format avec des acteurs. Multipliant les idées visuelles folles, la mise en scène de Sam Raimi est inventive grâce à l’utilisation du slapstick directement issu des cartoons (gags de situations avec bruits et musique à l’appui) et une histoire à sketches dans le désordre. Entre des personnages aux traits grossiers, une colorimétrie extrêmement joviale et des situations cocasses et improbables, Sam Raimi délivre abondamment ses références principales : le cartoon frappadingue digne de Tex Avery et le comique muet issu des Three Stooges.

Mort sur le grill est un OVNI cinématographique qui sait être généreux en matière de délires humoristiques, malgré un résultat final très bancal et pas assez assumé.

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2.      Darkman, un héros singulier parmi les plus célèbres super-héros hollywoodiens :

Le cinéaste d’Evil Dead 2 quitte les films d’horreur déjantés à petit budget pour essayer d’aborder les supers-héros. En effet, en jeune fan de comics-books, il avait l’intention de se consacrer à une adaptation de la BD « The Shadow », avec Bruce Campbell dans le rôle-titre. Cependant, Sam Raimi se voit refuser tous les projets de films de supers-héros prévus à Hollywood. Il lui vient l’idée folle de créer son propre supers-héros par l’intermédiaire du cinéma.

C’est ainsi que sort en 1990 Darkman joué par Liam Neeson. Le résultat est étonnant : le spectateur assiste à la genèse d’un anti-héros qui devient tragiquement un héros victorieux. Mais Sam Raimi arrive à s’approprier ce personnage supposément héroïque en lui apportant une ambiguïté très forte.

Là où les héros classiques sont en quête de justice et se battent pour un monde meilleur, Darkman est quant à lui un être brisé en quête de vengeance qui voit la survie de sa bien-aimée comme seule issue de justice à son égard. C’est un personnage très proche des monstres du cinéma classique, comme L’Homme-Invisible ou le Fantôme de l’Opéra. Mais c’est aussi un personnage auquel on peut facilement s’identifier, malgré son caractère repoussant. Ainsi, Raimi renouvelle le statut du héros classique en offrant à son personnage principal une destinée tragique et émouvante. A ceci, on peut ajouter une mise en scène inspirée, donnant vraiment au spectateur la sensation de naviguer dans l’univers d’une bande-dessinée, et un rythme dynamique dans les scènes d’action.

Darkman est sûrement l’un des films les plus aboutis de Sam Raimi, alliant à merveille l’évolution de son protagoniste principal, la réflexion sur la légitimité d’un héros et les délires visuels caractéristiques aux bandes-dessinées de super-héros.

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3.      Mort ou Vif, un western étrange et fou :

Sam Raimi essaya de mettre en scène son talent dans différents registres : Mort ou Vif est son tout premier coup d’essai en matière de western. Bénéficiant d’un casting assez impressionnant, ce film, datant de 1995, est un détournement habile des codes du genre. L’héroïne principale, incarnée par Sharon Stone étonnante de sobriété, apparaît tout d’abord comme l’image fantasmée d’une cow-girl indépendante et sans reproches. Puis, le personnage se retrouve face à des traces de son passé et doit finir par prendre des choix décisifs au cours de son aventure. Raimi dépeint encore l’icône du héros viril à sa manière : s’il veut se montrer invincible, c’est pour essayer d’oublier ses blessures intérieures. Bien sûr, un film de Sam Raimi n’en est pas un sans sa patte folle. En effet, le cinéaste enchaîne des idées visuelles totalement dingues, contrastant avec le ton sérieux du long-métrage, avec un concours de duels comme toile de fond de l’histoire. Gene Hackman incarne un vilain charismatique, impitoyable mais respectueux envers ses adversaires. Le personnage intéressant de Russel Crowe représente, quant à lui, les principales thématiques du film : le sens du devoir donné à chacun, nos choix qui sont déterminés par notre passé, la peur d’être ce que nous ne sommes pas et la quête de revanche et de justice.

Sans être l’un de ses films les plus marquants de son œuvre, ce long-métrage montre au spectateur que Sam Raimi a la capacité de s’intégrer dans un genre et de respecter ses codes tout en se les réappropriant. Pleinement divertissant et intelligent dans sa présentation des personnages, Mort ou Vif fait preuve de l’amour de Raimi sur la construction légendaire d’un héros.

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4.      Un Plan simple, un thriller psychologique haletant :

Après les succès reconnus de Darkman et la trilogie Evil Dead, Sam Raimi décide de réaliser un film plus modeste, en adaptant un roman policier. Son but dans cette production est de ne plus vraiment se focaliser sur l’esthétique du film, mais surtout sur le jeu des acteurs, très important dans le film. En effet, c’est une histoire dramatique se centrant principalement sur quatre personnages. Le jour de l’an, trois compères trouvent un sac rempli de dollars dans un avion qui s’est scratché dans la forêt. Cet argent va mettre à mal leur amitié, avec la confiance de la femme de l’un d’eux, mais jusqu’à quel point ?

Ce nouveau film de Raimi, sorti en 1998, est très dérangeant ; et ce pour une unique raison : il reste dans un cadre réel et se rapproche plus sur les motivations de chaque personnage. Ainsi, le spectateur s’identifie à chacun d’entre eux et ne cesse de se mettre à leur place. Le spectacle en est à la fois fascinant et déroutant. On en ressort lessivé de cette histoire incroyable, car c’est bien l’une des seules histoires à dépeindre avec brio les complexes de la nature humaine. Ici, aucune séparation entre le bien et le mal ! Tous les protagonistes ont chacun leurs travers et se retrouvent seuls à la recherche d’une justice convenable.

Un plan simple est le long-métrage le plus réussi de Sam Raimi.  Plus sobre dans sa réalisation, le cinéaste prouve une nouvelle fois qu’il sait s’intégrer dans un genre particulier. Il réussit admirablement l’exercice de style et livre une œuvre noire et poignante sur la nature humaine.

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5.      Pour l’amour du jeu, un film timide dans la carrière de Sam Raimi :

Après les récompenses de la critique sur Un plan simple, Sam Raimi se retrouve, dans la même année, dans une période un brin morne avec deux films. Le premier est un film sur le sport, intitulé Pour l’amour du jeu. Aimant les jeux de sport, Raimi montre le parcours semé d’embûches d’un père joueur de baseball vers la victoire. Malheureusement, le film n’a pas marqué la mémoire des spectateurs, tant le spectacle demeure tout à fait prévisible. Avec une réalisation bien trop timide, ce long-métrage n’est pas raté, mais n’est pas non plus brillant dans la carrière de ce réalisateur-là. Néanmoins, Sam Raimi montre toujours son talent à assimiler les codes correspondant à un registre de film précis.

 

6.      Intuitions, un film à suspense mitigé :

Toujours dans sa période mitigée, Sam Raimi réalise une commande pour le studio Paramount Pictures en 2001. Avec un casting étonnant (Cate Blanchett, Keanu Reeves, Katie Holmes), l’histoire du film est celle d’une enquête fantastique, avec une femme tourmentée par des visions comme personnage principal. Sur le papier, l’histoire est alléchante mais son traitement est juste correct. Raimi accorde une importance à l’ambiance funèbre et au déroulement de l’intrigue, mais le scénario ne présente aucun rebondissement vraiment marquant.

Intuitions est un film quelconque que l’on regarde avec un ennui poli. Mais c’est surtout une petite entrée avant le plat de résistance qu’est la célèbre trilogie Spiderman

 

7.      Jusqu’en Enfer, une comédie horrifique dynamitée :

Mais avant de parler de l’homme-araignée, nous allons voir que Sam Raimi voulait revenir à ses premières sources depuis longtemps. En 2009, il signe Jusqu’en Enfer, une excellente comédie horrifique. Bien sûr, les fans de la saga Evil Dead attendaient avec impatience ce potentiel successeur des aventures d’Ash.

Ici, pas de Bruce Campbell ! Cette fois-ci, nous avons une talentueuse Alison Lohman dans la peau d’une innocente spécialiste en crédit immobilier qui va subir des épreuves terrifiantes, après avoir refusé à contrecœur un prêt supplémentaire pour la maison d’une vieille folle acariâtre. L’histoire est d’ores et déjà loufoque en matière de film d’horreur. Faisant des clins d’œil aux séries télévisées racontant des histoires effrayantes (la série Les Contes de la Crypteet les épisodes d’Alfred Hitchcock Presents), le film présente également une surenchère de scènes délirantes et exagérées (la bataille dans le parking, le dîner diabolique, l’incantation qui tourne mal, etc.). On comprend que le long-métrage ne se prend pas au sérieux et Raimi sait être généreux envers le public.

Petite curiosité d’humour noir cinglant, Jusqu’en Enfer est tel un manège de montagnes russes : il sait nous faire rire et nous surprendre en même temps.

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IV)             Sam Raimi, un homme qui aime les surhommes fragiles :

1.      Spider-Man, la mise en place d’un mythe :

Spider-Man en film était un grand projet ambitieux pour Marvel Comics depuis 1986. Il fut envisagé un temps par Tobe Hooper (Poltergeist), dirigé par les producteurs de Superman 4. Mais en 1990, les droits d’adaptation furent revenus à James Cameron, qui écrivit un scénario inspiré dans lequel l’homme-araignée se battait avec l’Homme-Sable et Electro. Malheureusement, le projet n’avançait pas et la société Columbia Pictures reprit les droits d’adaptation et le scénario écrit par Cameron dès 1998. Celui-ci n’étant plus intéressé par le projet, les producteurs se lancèrent à la recherche de cinéastes qualifiés, dont Roland Emmerich, Ang Lee, Tim Burton, Chris Columbus et David Fincher entre autres  ont été envisagés. Le choix fut porté finalement sur Sam Raimi, grand fan de comics-books. En gardant l’idée de James Cameron, à savoir que les toiles de Spider-Man soient organiques, Raimi souhaite réécrire le scénario en se centrant sur la genèse du héros.

Premier film d’une trilogie mondialement connue, sorti en 2001, Spider-Man constitue l’aboutissement de son réalisateur sur le sujet du mythe du surhomme, entamé déjà sur Darkman dans le passé. Le spectateur s’attache immédiatement à Peter Parker, l’homme sous le masque. Jeune homme intelligent mais réservé, il rêve d’accomplir de grandes choses et de conquérir le cœur de son amour d’enfance. Le cinéaste propose l’idée d’un récit d’initiation à travers toute sa saga : le premier volet s’attarde sur l’enfant innocent qui apprend à grandir et comprend que chacun de ses actes engendre toujours une responsabilité derrière. Avec une narration synthétique claire, Sam Raimi expose parfaitement les enjeux de l’histoire, les troubles et les motivations des personnages ainsi que l’évolution de l’intrigue principale. Il nous offre dans le même temps un idéal de spectacle familial brut, enjoué, dynamique et dramatique. La première partie est un modèle d’introduction, tant le contenu reste passionnant de bout en bout, tant et si bien que la dernière partie paraît un peu classique en mettant en scène le combat de l’homme-araignée face au sournois Bouffon Vert.

Sous un thème flamboyant de Danny Elfman, le premier film de la saga  Spider-Man  s’impose comme l’un des modèles phares en matière d’adaptation de super-héros, tant le résultat est hautement divertissant et ingénieusement pensé.

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2.      Spider-Man 2, l’exploration d’un mythe :

Le succès du premier volet fut tellement retentissant que Columbia Pictures demanda à Sam Raimi d’enchaîner avec un second film en 2004. Ayant un peu plus de liberté, Raimi souhaite davantage se centrer sur l’histoire d’amour entre Peter Parker et Mary-Jane Watson plutôt que sur le combat de Spider-Man contre un nouvel adversaire, le Docteur Octopus.

A travers cette histoire romantique, les problématiques principales du super-héros sont exploitées de main de maître par Raimi : le héros a du mal à concilier ses problèmes au quotidien avec ses responsabilités en tant que sauveur d’une population. Spider-Man se rapproche quasiment du public, comme une personne ordinaire qui détient des pouvoirs extraordinaires. Dans cet opus, il est confronté aux conséquences de ses choix personnels et il doit assumer à présent ses responsabilités avant d’en sortir grandi. Le sens du devoir est désormais au centre du film. Même le méchant impressionnant, incarné sublimement par Alfred Molina, est plus humain qu’il n’y parait : c’est un scientifique, promis à un bel avenir balayé devant lui, qui essaie en vain de le reconstruire dans sa folie. C’est un personnage tragique et touchant, dont le spectateur peut arriver à comprendre ses motivations.

Remportant un succès mérité, Spider-Man 2 est certainement l’opus le plus abouti de la trilogie et l’un des meilleurs films de Sam Raimi, dans lequel le spectateur admire un spectacle flamboyant et généreux en scènes d’action impressionnantes. Avec ce long-métrage, Raimi transcende cette fois-ci le schéma narratif classique du film de super-héros pour livrer une belle histoire à la fois tragique et optimiste, dans lequel tous les personnages sont confrontés à des blessures du passé et sont amenés à les exorciser d’eux-mêmes.

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3.      Spider-Man 3, l’adieu crépusculaire d’un mythe :

Sam Raimi décida de conclure sa saga sur l’homme-araignée avec un troisième film. Promis plus sombre, plus épique et plus dramatique, ce volet entame la confrontation directe de Peter Parker face à ses démons personnels. Trop sûr de lui, il va se laisser tenter par un venin extraterrestre qui a besoin d’un corps pour survivre. Le projet est finalement très ambitieux : finir la trilogie avec la résolution des conflits intérieurs de Spider-Man. Autour de lui, vont s’abattre un homme-sable, révélé le véritable tueur de son oncle, et son meilleur ami qui désire l’anéantir par vengeance pour son défunt père. Malheureusement pour lui, Raimi traite de l’épisode du symbiote aliénant et, sous la pression des fans et des producteurs, il inclut dans son film le célèbre Venom, la Némésis récente de Spider-Man. Cependant, Raimi ayant grandi avec les toutes premières BD datant des années 60, il ne savait pas comment aborder un ennemi créé en 1984. Malgré l’immense succès lors de sa sortie en salles en 2007, le public fut très mitigé, en particulier certains fans du personnage le considérant comme le « vilain petit canard » de la franchise.

Toutefois, le film arrive parfaitement à clore l’ensemble de la trilogie. Devenu adulte, Peter Parker est aveuglé par la gloire que lui offre sa double identité, au grand désarroi de sa bien-aimée. Il se laisse consumer par le désir de vengeance, en croyant que le fait de se débarrasser de ses problèmes de façon brutale apaiserait ses douleurs liées à son passé. La vengeance est le thème phare de ce film, partagé par les trois vilains humanisés. Mais, après la vengeance, vient le temps du pardon. Et Peter, alias Spider-Man, doit le comprendre pour arriver à tourner la page. A ce stade-là, il accomplira son passage final vers l’âge adulte. Le défaut principal du film est de multiplier à l’infini les intrigues, les personnages et les rebondissements au sein de la conclusion d’une histoire en trois films.

Bien que le résultat final soit boursouflé par ces nombreux éléments, Spider-Man 3 reste un grand spectacle de haute volée, mais propose avant tout une fin sublime, qui conclut de belle manière une histoire où tous les personnages, gentils et méchants, sont des êtres perdus et ravagés en quête d’un bonheur absolu.

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V)                Sam Raimi, un homme à la recherche d’un bonheur :

  1. Oz, la saga littéraire

Le dernier film de Sam Raimi porte sur l’univers créé par Lynn Frank Baum, auteur du Magicien d’Oz écrit en 1900. C’est l’histoire d’une jeune fille du Kansas nommée Dorothy qui, emportée par une tornade, se retrouve dans un monde magique peuplé de sorcières, de poupées, de magiciens et autres créatures fantastiques.

Considéré comme l’équivalent d’Alice au Pays des merveilles (1865) en Amérique,  l’univers de Frank Baum est tout de même envoûtant, car il appelle à tous nos fantasmes d’enfance. En effet, le pays d’Oz est un endroit rêvé pour les enfants. Féérique, joyeux, apaisant, il est aussi dur, mystérieux et effrayant. L. Frank Baum a écrit le Saint Graal littéraire des enfants, là où Lewis Carroll a écrit une psychanalyse complète sur le monde des adultes vu par les enfants. Néanmoins, Baum insère également dans son histoire une parabole économique sur une dépression financière, suivie d’une rivalité entre plusieurs étalons industriels, aux Etats-Unis entre 1883 et 1897. Ceci peut expliquer l’importance du Magicien d’Oz dans le patrimoine américain.

Cela dit, l’écrivain s’est consacré au développement de l’univers d’Oz comme une mythologie complète sur chaque personnage sur plus d’une vingtaine de romans.

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2. Oz, les adaptations :

Le succès du premier livre écrit par L. Frank Baum annonçait l’idée d’adapter l’univers sur grand écran.L’adaptation la plus célèbre, surtout en Amérique, est incontestablement le film réalisé par Victor Fleming en 1939. Elle est connue pour avoir bercé l’enfance de certains, grâce à ses décors colorés et kitchs, son univers attirant et amical et ses chansons nombreuses et rythmées. Mais ce film est surtout connu pour son fameux passage du noir et blanc en sépia à la couleur, lorsque Dorothy débarque au pays d’Oz.

Etant donné que l’univers littéraire s’est élargi, il en va de même pour les adaptations filmiques. L’univers d’Oz fut adapté en feuilletons télévisés, en cartoons et même en téléfilms dérivés comme Le Magicien d’Oz des Muppets (2005).

Parmi toutes ces versions, une adaptation s’est démarquée auprès du public. Il s’agit de Return to Oz, produit chez Disney en 1985. C’est une suite du film de 1939, dans laquelle Dorothy revient dans un monde féerique désormais ravagé par les caprices d’une princesse effroyable. Le film n’a pas eu le succès escompté, jugé bien trop noir pour les enfants, mais il a gagné de la valeur auprès des spectateurs au fil des ans.

L’univers du magicien d’Oz est considéré à présent comme une source riche d’inspiration sur plusieurs supports commerciaux (films dérivés, livres, jeux, etc.).

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3. Le Monde fantastique d’Oz, le film enchanteur de Sam Raimi :

Le Magicien d’Oz a été un sujet à polémique insaisissable pour certains studios de cinéma. Les studios Disney ont repris les droits des livres, après un procès engendré par Return to Oz, avec un cahier des charges imposé par la société Warner Bros., distributeur original du film de Fleming. Les producteurs de Disney choisissent de développer un projet ayant pour sujet de raconter la venue du magicien au pays d’Oz, bien avant celle de Dorothy. Sam Raimi, intéressé par cette idée, s’implique dans la réalisation de ce film, avec James Franco (127 heures) dans le rôle principal.

Sachant qu’il lui était interdit de faire référence à des éléments du premier film n’ayant pas les droits, Sam Raimi a mis en place un travail visuel d’orfèvre, faisant un hommage respectueux au film de Victor Fleming. Coloré jusqu’à être volontairement saturé, l’univers présente des environnements à la fois merveilleux et ténébreux, remplis d’inventivité et l’ensemble est rendue dynamique grâce à une mise en scène endiablée de Raimi. Ce qui frappe aux yeux, c’est le savoir-faire de Raimi à arriver à mettre en scène un excellent film familial, comme Disney avait su le faire il y a longtemps. Le spectateur s’évade réellement dans un monde imaginaire avec ses personnages tous hauts en couleurs. Proche du dessin-animé, ce long-métrage est à la fois un trésor d’émotions pour les enfants et un amour attribué à l’illusion et à la magie, en particulier cinématographiques. Le héros ordinaire va apprendre l’humilité en corrigeant ce qu’il peut de ses erreurs passées dans un monde extraordinaire où une grande menace domine sur ses habitants. Malheureusement, le film souffre d’un scénario qui propose des rebondissements souvent inégaux, surtout en ce qui concerne la menace mal exploitée, et une fin trop abrupte.

Ayant obtenu un petit succès mérité, Le Monde fantastique d’Oz n’est pas une œuvre mémorable dans la carrière de Sam Raimi mais est en soi un spectacle enchanteur dans la tradition des films familiaux d’antan pour toute la famille, sans aucun cynisme, ni modernisme du propos.   

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VI)             Sam Raimi, une empreinte dans le cinéma actuel :

1)      Sa société de production :

Depuis le premier Evil Dead, Sam Raimi et son ami producteur Robert Tapert sont les fondateurs d’une boîte de production appelée Renaissance Films. C’est grâce à cette société que Raimi a pu aboutir sur des collaborations réussies avec les frères Coen (notamment sur leur film Le Grand Saut en 1993), sur le financement de nouvelles sagas horrifiques (The Grudge) et sur la réalisation de séries ambitieuses et folles (Hercules et Xena, la guerrière sont des mélanges improbables d’action et de burlesque). Récemment, il a produit le remake d’Evil Dead cette année, avec l’idée de mettre en place une future confrontation avec l’univers de la trilogie originale. En tant que producteur, Sam Raimi s’est permis de participer dans le domaine actuel du cinéma sous différentes approches.

 

2)      Ses projets avortés et futurs :

Sam Raimi est un cinéaste ambitieux. Malheureusement, tous ses projets ne se sont pas concrétisés. En témoigne une longue période blanche entre 2006 et 2011. En effet, il s’est beaucoup impliqué dans le projet de réadapter à nouveau le héros méconnu « The Shadow » sur grand écran. Avec Bruce Campbell dans le rôle-titre, le personnage était une chance manquée pour Raimi, qui voulait insuffler davantage ses idées visuelles burlesques. Mais, après différents compromis avec les droits de la bande-dessinée, il abandonna finalement le projet  pour se consacrer à une quatrième suite des aventures de Spider-Man imposée par les producteurs. Suite à de nombreuses disputes concernant le choix des vilains et l’orientation de l’histoire, le projet a débouché depuis peu sur une nouvelle saga nommée « The Amazing Spider-Man », auquel Sam Raimi ne participe pas. Après différents projets passés sous silence comme les adaptations du jeu vidéo « World of Warcraft » ou le livre de Tolkien « Bilbo le Hobbit », il rompt cette longue absence avec la sortie de son adaptation de l’univers créé par L. Frank Baum.

Dernièrement, il est en écriture d’une suite du film Army of Darkness. Un projet qui ravive l’impatience des fans des aventures d’Ash, mais qui ne passionne pas tant que cela Raimi selon ses dires. Doit-on craindre ce projet qui survient tardivement après la première saga ? A suivre…

EVIL DEAD 3 ARMY OF DARKNESS.4 

 

  

 

CONCLUSION :

La notoriété de Sam Raimi est très ambigüe. Pourtant, la gloire ne doit pas lui manquer au vu des nombreuses réussites dans sa filmographie. Sa trilogie Evil Dead a marqué la communauté de cinéphiles, Un Plan Simple a ébloui les critiques pointues de la presse et son travail sur Spider-Man est resté dans la mémoire du grand public. Cependant, sa filiation avec de grandes franchises et son goût pour varier les genres du cinéma l’ont un peu perdu auprès du public : les fans assidus d’Evil Dead le supplient depuis bien longtemps de réaliser une quatrième suite de la saga, alors même que celui-ci estime avoir tourné la page sur le sujet. En plus de cela, Raimi n’a pas une bonne filiation avec les producteurs ; en témoigne le montage final inégal fait pour son second film Mort sur le grill.

Malgré tout, Sam Raimi a une qualité remarquable qui le définit très bien : c’est un cinéaste sincère dans sa démarche de faire ses films. Sa passion pour le comique burlesque et les héros tourmentés ne l’empêche pas d’aborder tous les genres du cinéma (thriller, comédie, film d’horreur, film de super-héros, etc.) avec assiduité. La variation du genre de ses films enrichit la source de ses thèmes de prédilection : les thématiques liées au devoir du héros dans Darkman gagnent une importance majeure dans la trilogie Spider-Man.

Portant une image incontournable à Hollywood, Sam Raimi est un cinéaste humble qui mérite le respect pour son talent à s’imprégner librement des codes d’un genre cinématographique et d’y insérer subtilement sa sensibilité personnelle.

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