Femme de légende

Phoolan Devi

Voici l’histoire d’un destin tragique. Le combat d’une femme née dans la misère, battue, violée, humiliée et qui un jour décida de se rebeller et de se venger de cette vie qui ne la gâtait guère. Mais avant tout, elle décida de se venger des hommes qui lui avait rendu la vie si pénible. Phoolan Devi (1963-2001) est devenue La reine des bandits, c’est ainsi qu’elle fut surnommée jusqu’à sa mort. A la tête d’une horde de bandits, elle parcourut l’Inde assoiffée de vengeance, arborant sans cesse son bandana rouge et son fusil. Adulée des basses castes, elle devient rapidement une héroïne, une femme qui se bat pour le droit des femmes, des oubliées et des miséreux, accédant ainsi aux plus hautes fonctions.

Phoolan est née dans un petit village de l’Uttar Pradesch, en août 1963, dans une basse caste, les mallah, essentiellement des pêcheurs. Elle est mariée très jeune, à l’âge de 11 ans, à un cousin de 35 ans, qui en fait rapidement son esclave. Refusant son destin, elle s’enfuit et par cette action perd tout statut dans la société indienne et sa famille. Une femme mariée qui s’enfuit ne peut être qu’une prostituée de bas étage… Leur sort est bien souvent la mort.

Elle retourne auprès d’un autre cousin pour revendiquer une partie de ses terres, celui-ci la fait jetter en prison et encore une fois, elle sera maltraitée. Le sort semble s’acharner. Quand elle en ressort, ce fameux cousin, engage un groupe de bandits, des dacoït, pour l’enlever et la tuer. Encore une fois, elle sera battue et violée, mais au sein du groupe des dissensions vont provoquer l’avènement de son destin. Une bonne partie des dacoït sont également des mallah et refusent de tuer l’une d’entre eux, le chef de la bande est tué par Vikram qui prend sa place et devient l’amant de Phoolan. Auprès de lui, elle apprend le métier de dacoït et devient rapidement la chef incontestée de la bande. L’heure de la vengeance semble enfin avoir sonnée. Elle s’attaque principalement aux thâkûr, de riches propriétaires terriens qui violent et volent sans vergogne les castes inférieures. Commence alors à naître la célébrité de Phoolan, celle qui défend les opprimés. Pour certains, elle devient l’avatar de la déesse Dûrga (littéralement L’Invincible).

Vikram, son compagnon, est assassiné quelques temps plus tard par un dacoït thâkûr qui ne supporte pas qu’un mallah ait atteint la célébrité. Phoolan est enlevée une nouvelle fois, violée et s’en sort grâce à un brahmane qui la prend en pitié et l’aide à s’évader au péril de sa vie.

C’est alors que Phoolan reprend les rênes de sa bande. Nous sommes en 1980 et elle a soif de vengeance. En février 1981, elle se rend dans le village de Behmai où elle a entendu dire que l’assassin de son compagnon s’y trouvait. Habillés en policier, ils fouillent le village et exige qu’on leur livre le tortionnaire. Mais ils ne le trouvent pas. La légende noire de Phoolan dit qu’elle aurait fait abattre 22 personnes du village pris au hasard. C’est le plus grand massacre commis par des dacoïts depuis très longtemps, de plus avec une femme à leur tête et des individus de castes supérieures tués par des individus de castes inférieures, c’est inédit et très grave aux yeux de la société indienne. Jusqu’à la fin de ses jours, elle niera avoir participé au massacre.

Elle est déclarée ennemi public numéro un et en même temps reste une héroïne incontestée pour le peuple. Indira Ghandi promet sa capture et déploie un impressionnant arsenal policier. Mais Phoolan et sa bande connaissent bien la nature qui les entoure et la cavale se poursuivra pendant deux ans. En 1983, épuisée, ayant perdu plusieurs de ses hommes, elle décide de se rendre à certaines conditions. Elle veut se rendre devant le Mahatma Gandhi et la déesse Durgâ, afin qu’elle ne soit pas condamnée à mort et que ses hommes n’écopent pas de plus de huit ans de prison, entre autres…
C’est ainsi qu’un policier désarmé vient à leur rencontre et les amène vers Bhind où les attendent la presse, une foule immense et 300 policiers. C’est coiffée de son traditionnel bandana rouge, une cartouchière sur la poitrine, devant une photo du Mahatma Gandhi et de Durgâ qu’elle dépose son Mauser 303.

Elle est accusée de quarante-huit crimes, écope de cinquante-sept chefs d’inculpation mais après onze ans de prisons, elle est libérée sur parole (avec l’aide d’un gouverneur également issu de basse caste). A sa sortie de prison, elle se remarie, fonde un organisme pour la défense des opprimés, se convertit au bouddhisme et s’engage en politique en adhérant au parti socialiste de Yadav. Son programme est principalement axé sur la défense des droits des femmes et des basses castes. Elle remporte haut la main son siège de député et cette même année, 1997, elle est présentée comme prix nobel de la paix potentiel. Toujours adulée par les basses castes, elle subit également la haine des castes supérieures, notamment pour le massacre de Behmai. Elle perd son siège au parlement en 1998 mais le récupère dès l’année suivante.

Ainsi, elle continue son petit bonhomme de chemin en politique et continue surtout d’agacer les thâkûr qui réclament toujours justice. Le 25 juillet 2001, alors qu’elle rentre d’une session au parlement, elle est prise pour cible par trois hommes armés et meurt sous le coup de ses blessures. Quelques jours plus tard un homme thâkûr se rend à la police déclarant avoir tué la reine des bandits: «la tâche qui souillait le nom des rajputs a été lavée»…

C’est la fin d’un mythe, «sa mort aura été à la hauteur de sa vie» conclut de façon ambiguë un commentateur politique, une vie et une mort marquée par la violence. Et pourtant Phoolan avait toujours survécut à tout, telle une force, une flamme que rien ne peut arrêter ou éteindre. A 38 ans, Phoolan Devi était devenue un personnage quasi mythique en Inde. Sa vie tumultueuse de chef de bande illettrée devenue parlementaire lui valut d’être le sujet de plusieurs livres et films, dont le plus célèbre reste la Reine des bandits de Shekhar Kapur, qui lui avait assuré une immense notoriété internationale. Mais si la femme n’est plus, la légende, elle, demeure… Phoolan restera l’éternelle rebelle, symbole de courage et de ténacité, l’écorchée vive que rien n’arrête, un robin des bois au féminin.

A voir:

La reine des bandit ( Bandit Queen) de Shekhar Kapur, juillet 1995

A lire:

Moi, Phoolan Devi, reine des bandits, autobiographie édité chez Fixot.

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2 Comments

  • Reply
    Laura
    31 octobre 2013 at 15:40

    Un article à couper le souffle. Une belle plume pour nous raconter ce destin incroyable. Merci…

  • Reply
    Lyli Minette
    25 mai 2012 at 11:00

    Ado je me suis passionnée pour sa vie, j’avais dévoré tous les bouquins dispos sur elles (à l’époque pas d’Internet !), et cet article me rappelle tous ces moments passés avec elle, merci !

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