Femme de légende

Angela Davis

Angela Davis, La Panthère noire…

«La place d’une femme est dans la lutte».

Angela Davis est à l’image de Malcom X ou Martin Luther King, un symbole du mouvement noir américain. Elle est une des figures de proue de la lutte acharnée pour l’égalité et les droits de l’Homme. Elle est l’image du combat contre toutes formes d’injustice. Mais c’est avant tout une femme, fière de ce qu’elle est, et pendant des années cette grande dame va lutter de toutes ses forces contre le racisme, la ségrégation et le sexisme, au prix d’un combat de toute une vie, allant jusqu’à mettre sa propre liberté et sa propre vie en péril. C’est le portrait d’une battante, et même plus d’une combattante, d’une grande figure du mouvement noir que je vous propose aujourd’hui.

Angela Yvonne Davis est une femme afro-américaine née en janvier 1944 à Birmingham en Alabama. Elle grandit dans le quartier de Dynamite Hill, qui pourrait rappeler le caractère explosif de son caractère, mais qui s’intitulait ainsi pour une plus sombre raison: Ce quartier majoritairement blanc fut peu à peu peuplé par des familles afro-américaines, qui seront la cible d’attaques sordides en tous genres. Elle grandit dans un milieu cultivé de classe moyenne, ses parents étant tous les deux professeurs. Ils seront pour elle un modèle d’engagement, étant tous les deux des communistes activistes. Angela va grandir dans cette atmosphère de ségrégation exacerbée, de violence, d’humiliation et fera l’expérience de l’injustice et du racisme au quotidien. Elle en sera profondément marquée. Elle va aussi s’imprégner de l’atmosphère familiale très politisée et comprendre que l’on peut se battre pour ses idées. Se dessine déjà le portrait d’un destin exceptionnel, puisqu’à douze ans elle participe  au boycott d’un bus qui pratique la ségrégation. A douze ans, les bases de la rébellion et de l’envie de changement sont déjà enracinées en elle. C’est décidé, elle suivra le chemin familial sur la voix de la contestation, du militantisme et plus encore…

A quatorze ans, elle décroche une bourse pour continuer ses études à New-York grâce à un programme d’aide pour les élèves noirs du Sud des Etas-Unis. Ce lycée est surnommé «Little Red school house» du fait de ses tendances politiques et sociales clairement de gauche. Elle y fait de nombreuses rencontres importantes avec des enfants de leaders communistes (notamment Bettina Aptheker, fille de l’historien communiste Herbert Aptheker). Elle se familiarise avec le marxisme et se plonge dans le Manifeste du Parti Communiste qui lui permet de replacer «les problèmes du peuple Noir dans le contexte plus large d’un mouvement de la classe ouvrière ». Les années new-yorkaises sont le deuxième socle, après ses parents, de son éducation politique et sociale. Elle entrera même dans les jeunesses communistes et fera sa première expérience en tant que militante en participant à de nombreuses manifestations en faveur des droits civiques du peuple noir (notamment par des sit-in).

En 1962, après l’obtention de son baccalauréat, elle est l’une des trois étudiantes noires à obtenir une bourse pour la faculté de Brandeis dans le Massachussetts. Au cours de ces années, Angela s’intéresse à la philosophie et notamment à l’existentialisme de Sartre ou de Camus. Elle se spécialise  en littérature et philosophie française contemporaine, rencontre le philosophe Herbert Marcuse, qui sera une sorte de mentor pour elle, et voit pour la première fois Malcom X dans un amphithéâtre de la faculté, qui harangue les étudiants blancs pour leur passéisme face à la situation noire. A l’issu de son cursus, elle part étudier en France où elle est témoin du racisme ambiant notamment envers les Algériens. Elle est à Biarritz lorsqu’elle apprend que l’église de sa ville natale a été attaquée à la bombe, que quatre petites filles qu’elle connaissait sont mortes sans qu’aucun coupable ne soit désigné. Triste réalité, mais si banale dans le sud des États-Unis. Sur les conseils de son professeur Marcuse, elle part étudier la philosophie à Francfort. En Allemagne, son éducation politique se renforce auprès de l’Union socialiste allemande des étudiants et elle participe encore une fois à de nombreuses manifestations, notamment contre la guerre du Vietnam. Forte de toutes ces expériences, Angela se sent prête à rentrer et à agir, surtout qu’aux États-Unis le mouvement noir se radicalise avec le Black Power. Elle rentre à San Diego, où Marcuse l’attend pour diriger sa thèse.

En 1968, elle obtient son doctorat et devient enseignante à l’université de San Diego. Elle n’en reste pas moins une grande activiste en luttant activement contre la guerre au Vietnam et en soutenant des élèves et des militaires noirs victimes de racisme. Elle se positionne également au niveau de son discours politique et rejette par exemple totalement l’idée que la libération du peuple noir doit passer par un séparatisme total de la société blanche, refuse d’exacerber les différences et se fonde sur un discours marxiste. Pour elle, seule l’unité des mouvements sociaux et politiques entre Blancs et Noirs, hommes et femmes, peut permettre de bousculer le pouvoir. Le mouvement d’émancipation des Noirs doit s’insérer dans un mouvement révolutionnaire tel que le socialisme. A la même époque, elle rejoint le Black Panthers Party et milite avec eux. Une des autres spécificités d’Angela est son féminisme, le «Black feminism», car au cours de sa lutte elle se heurtera de nombreuses fois au sexisme ambiant, au sein même de sa communauté et de ses partis. Pour le mouvement Noir Américain, seul un leader masculin devait s’ériger. La place des femmes dans le mouvement doit rester secondaire et pourtant comme le relève si bien Angela Davis, un mouvement de libération ne doit-il pas lutter contre toutes les formes d’inégalités? L’homme noir peut-il se libérer s’il oppresse ses sœurs?? Quoi qu’il en soit Angela Davis lutte sur tous les plans.

Dans un contexte social tel que celui que vit Angela et la société noire (brimades au quotidien, lynchages, exécutions sommaires…), lutter c’est mettre sa vie en danger. Et Angela, repérée depuis longtemps du fait de son activisme, notamment au sein des Black Panthers et du parti communiste, est dans le collimateur des autorités. Dénoncée comme communiste (il ne faut pas oublier qu’être communiste à cette époque aux États-Unis, c’est aussi dangereux qu’être noir, on peut dire qu’Angela cumule), elle est renvoyée de la faculté et c’est dans ce contexte que sa légende va se façonner.

Le 7 août 1970, une prise d’otage visant à libérer un activiste des Black Panthers, George Jackson (alors condamné à la prison à vie à l’âge de dix-huit ans, pour un vol de quelques dollars dans une station service) tourne mal. Quatre personnes sont tuées (notamment le juge) et d’autres grièvement blessées. Elle est accusée d’avoir organisé la prise d’otage et fourni les armes (en tant que présidente du comité de soutien de George Jackson et de tout ce que l’on connaît d’elle) et s’en suit une cavale dans tous les États-Unis. C’est une femme, elle est noire et en plus communiste, c’est le diable en personne, c’est forcément elle. Angela est la troisième femme de l’histoire à être sur la liste des personnes les plus recherchées aux États-Unis. Durant ces deux mois de cavale, sa renommée se façonne et traverse les frontières, la contestation gronde aux États-Unis comme en Europe. Sur les façades de nombreuses maisons fleurissent les « Angela notre sœur, tu es la bienvenue dans cette maison».

Elle est finalement arrêtée le 13 octobre 1970, accusée de meurtre, de conspiration et de séquestration, et risque la peine de mort. L’opinion publique se soulève et de nombreux soutiens vont l’accompagner et la soutenir au cours des seize mois de détention précédant son procès. John Lennon et Yoko Ono chantent «Angela», les Rolling Stones composent pour elle «Sweet Black Angel», Prévert lui écrit un poême, Pierre Peret écrira «Lily» un peu plus tard (« Mais dans un meeting à Memphis, Lily / Elle a vu Angela Davis, Lily / Qui lui dit viens ma petite sœur / En s’unissant on a moins peur / Des loups qui guettent le trappeur »). Des manifestations éclatent un peu partout. A Paris, cent mille personnes demandent sa libération, avec Aragon et Sartre en tête de la manifestation.

Angela Davis est acquittée le 4 juin 1972 par un jury composé uniquement de blancs, au cours d’un procès très médiatisé et sous la pression de la contestation internationale. Angela est libre, lavée de tout soupçon et une icône est née. A peine sortie de prison, elle continue sa lutte contre la guerre au Vietnam, le racisme et le sexisme.

Aujourd’hui, à 68 ans, elle continue le combat, contre la peine de mort, contre la guerre en Irak,toujours plus ou moins rebelle à la politique de son pays. Elle lutte contre le prêt-à-penser en donnant des cours sur l’éveil de la conscience à l’université de Santa Cruz en Californie. Son combat, qui force le respect, inspire toujours de nombreux artistes et politiciens à l’heure actuelle. Il semble que la flamme de la môme des bas fonds de Dynamite Hill ait embrasé toute une société et redonné une nouvelle lueur dans les cœurs, une lueur éternelle, celle de l’espoir.

Angela, aujourd’hui…

Anecdotique:

C’est elle, qui fut à l’origine de l’engouement pour la coupe afro dans les années 70, qui devient un véritable symbole identitaire. Aujourd’hui, elle porte souvent des dreadlocks.

Médiatique par son combat mais très discrète sur sa vie personnelle, elle fut mariée au photographe Hilton Braithwaide mais divorcera.
En 1977, dans le magasine Out, elle fait son coming-out et lève le voile sur son homosexualité et l’impact que ceci a eu sur sa vie de révolutionnaire.

A noter que Balavoine lui consacre une chanson sur son album Sauver l’Amour en 1985, Petite Angèle, ainsi que Yannick Noah en 2010 avec sa chanson Angela et Winston Mc Anuff lui rend hommage avec la chanson Angela Davis dans l’album A Bang.

A lire:

Par Angela Davis

Angela Davis: An Autobiography (1974)
« Angela Davis, Autobiographie », trad. Cathy Bernheim, ed. Albin Michel, (1975)

Women, Race and Class (1981)
Femmes, race et classe, trad. Dominique Taffin-Jouhaud et le collectif des femmes, 2e éd., Paris, Des femmes; Antoinette Fouque,  2007

Violence Against Women and the Ongoing Challenge to Racism (1985)

Women, Culture and Politics (1989)

Blues Legacies and Black Feminism: Gertrude Ma Rainey, Bessie Smith, and Billie Holiday (1999)

Les Goulags de la démocratie (2006)

Sur Angela Davis

S’ils frappent à la porte à l’aube, Angela Davis, Aptheker Bettina, Paris, Gallimard (1972)

A voir:

Angela Davis: Portrait of a Revolutionary, film de Yolande de Luart 1972

http://www.ina.fr/video/CAA7701330401/interview-angela-davis.fr.html (1977)

http://www.youtube.com/watch?v=1RAVCMgTNLA

http://www.youtube.com/watch?v=HU-PNWxhjr8&feature=player_embedded (émission consacrée à Angela Davis «Inside USA», 2008)

http://www.dailymotion.com/video/xacsos_angela-davis-nous-parle-de-son-comb_news?start=5#from=embed  (Angela parle de son combat, 1975)

A écouter:

John Lenon et Yoko Ono Angela
http://www.youtube.com/watch?v=8YdVwfz9t1o

Rolling Stones Sweet Black Angel
http://www.youtube.com/watch?v=v8M8f9x435I

Pierre Perret Lily
http://www.youtube.com/watch?v=s1LwIKW2DX0

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