Chanteuse rock

Joan Jett

Elle avait décidé que pour se faire une place sur une scène largement dominée par les groupes masculins, ce serait par la musique qu’elle s’imposerait… En fondant en cette année 1975 The Runaways, premier girl band punk qui depuis a fait date, Joan Jett ne mesurait peut-être pas tout à fait pas la révolution dont elle allait être la cause. Chant revendicatif et énervé, guitares puissantes et saturées seront les éléments du succès Jett et de son hit planétaire « I Love Rock n’Roll », adoubée « Marraine du Punk » et première riot grrrl de l’histoire. Un look 100% black servi par une voix ténébreuse et un instinct animal : plus qu’aucune autre icône de rock, il règne autour de Joan un indéfinissable parfum de cuir et de soufre…


 

Fugitives

Née le 22 septembre 1958 à Philadelphie, Joan Marie Larkin, de son véritable patronyme, connaît une adolescence assez rock n’roll. Parmi ses forfaits : faire régulièrement le mur la nuit tombée pour assister à des concerts et un chouilla plus trash, avoir une liaison avec le tenancier d’un bar (ndlr : qui aura pour effet le déménagement de toute la famille vers Los Angeles)… N’en déplaise aux mauvaises langues, sa guitare doit sonner méchamment rock et si ce n’est pas ici, ce sera sous le soleil de Los Angeles exactement que résonneront ses flamboyants accords.

Dans la Cité des Anges, Joan devient justement une habituée du nightclub Rodney Bingenheimer’s English Disco, seul spot à diffuser la sous-culture glam rock, alors totalement minoritaire aux Etats-Unis. Elle y croise un jour le producteur underground Kim Fowley et la batteuse Sandy West et leur fait part de son idée de groupe de rock 100% féminin. Après quelques essais concluants, le projet s’étoffe fin 1975 avec l’arrivée de la guitariste principal Lita Ford, la chanteuse grande fan de Bowie Cherie Currie et la bassiste Jackie Fox. Moyenne d’âge des membres : 16 ans, la doyenne en étant Joan, un an plus vieille !


 

Bombe Cerise

C’est un démarrage au quart de tour pour les cinq demoiselles qui signent chez Mercury et sortent leur premier album éponyme courant 1976… Presque de la folie furieuse dans les concerts qui s’enchaînent à guichets fermés : tout le monde veut découvrir le désormais célèbre premier single « Cherry Bomb » qui scandalise tant par son rythme saccadé que pour ses explicit lyrics !  Dans la foulée de Queens of Noise (1977), les gamines embarquent pour une tournée mondiale et deviennent des actrices importantes de la déferlante punk naissante. De passage au Japon, les jeunes filles découvrent avec stupeur la « Runawaymania », objet de l’attention omniprésente des médias et des nuages de fans à la poursuite de leurs idoles !

C’en est trop pour Fox et Currie qui, après le Live in Japan, quittent tour à tour le groupe. Jett se retrouve alors à assurer intégralement le chant sur Waiting For The Night tandis que Vicki Blue les rejoint à la basse. Autre changement en terme de management : Fowley est remplacé par Toby Mamis et le contrat s’en va pour Cherry Records pour leur album suivant And Now… The Runaways (1978). Passage éclair pour la nouvelle remplaçante de Blue, Laurie McAllister, aussi bref que le sursis qu’il reste au groupe : après un dernier concert le 31 décembre 1978, celles-ci  annoncent officiellement leur séparation en avril 1979. Divergences musicales obligent car si Joan souhaite opérer un tournant punk/glam rock, les filles préfèrent rester dans le hard rock/heavy metal de leurs débuts.

Pour se remettre d’aplomb après cet épisode difficile, Jett part se ressourcer en Angleterre pour travailler quelques maquettes avec notamment les Sex Pistols et c’est ainsi regonflée à bloc qu’elle va retrouver les Etats-Unis. Contrainte et forcée contractuellement parlant d’honorer sa participation à un film vaguement basé sur l’histoire de son ancien groupe (ndlr : initiallement intitulé We’re All Crazee Now !, le film fut abandonné à mi-chemin avant de servir pour le tout à fait différent projet undergound DuBeat-Eo), Joan fait cependant la connaissance de Kenny Laguna dont la rencontre s’avère fondamentale pour la poursuite de sa carrière : sans l’aide de cet auteur-compositeur et producteur, jamais l’aventure Joan Jett and the Blackhearts n’eût été possible.

Ce n’est pas le tout de monter son propre groupe en recrutant des zikos doués par les petites annonces, il faut encore trouver des labels prêts à parier sur l’entreprise… Et aucune des 23 majors approchées ne sont prêtes à s’y risquer. Entre tout arrêter et trouver eux-mêmes les financements, le choix est vite fait. Fondée à partir de leurs propres économies, Blackheart Records voit ainsi le jour pour la sortie des premières copies de Joan Jett (1980), redistribué l’année suivante sous le nom Bad Reputation par Broadwalk Records, mais aussi et surtout pour I Love Rock N’Roll, le disque de l’année 1981, grâce au succès de son single du même nom qui tient la première place du Billboard sept semaines consécutives ! Qui aurait parié qu’une reprise (ndlr : originellement interprété par les Arrows en 1975) s’écoulerait à plus de 10 millions d’exemplaires ?

 

Question de réputation

Manager sa propre maison de disques a un intérêt majeur : celui de ne plus être tributaire de contraignants contrats mais aussi et surtout de totalement maîtriser la sortie de ses albums ! Rien qu’un rapide coup d’œil sur la chronologie des albums suivants : Album (1983), Glorious Results of a Misspent Youth (1984), Good Music (1986), Up Your Alley (1988), Notorious (1991), Pure and Simple (1994), Sinner (2006) suffit à nous faire comprendre que Joan a largement profité de ce privilège ! En se payant également le luxe de passer de l’autre côté des manettes pour produire des artistes tels que le groupe thrash Metal Church, le rappeur Big Daddy Kane ainsi que les premières riot d’importance, Bikini Kill… Sans oublier pêle-mêle sa participation à l’album de Peaches Impeach My Bush (2006), le partage de l’affiche de Light of Day (1987) aux côtés de Michael J.Fox et celle de l’adaption broadwayenne de The Rocky Horror Picture Show (2000) ainsi que divers caméos dans les séries Ellen, Highlander et Walker Texas Ranger !

Ok on l’avait vu ouvrir pour des groupes tels que Def Leppard ou Green Day mais, en avril dernier, c’est dans le show d’Oprah Winfrey que Jett est apparue sur scène pour interpréter en compagnie de la starlette de la pop Miley Cyrus, un medley de ses plus grands hits, pour une relecture ouverte de son mythique répertoire ! A l’occasion, on a pu remarquer que la jeune quiqua n’avait rien perdu de son panache et faisait toujours aussi bien sonner son inséparable guitare, la Melody Maker. « C’est la guitare avec laquelle j’ai joué tous mes hits. C’est mon bébé » (http://www2.gibson.com) Tellement devenue sa marque de fabrique que la marque Gibson lui a fait l’immense privilège d’ajouter à son catalogue le modèle Joan Jett en 2008. Et dire que son professeur de guitare refusait de lui apprendre des morceaux de rock, arguant que ce n’était pas convenable pour une fille…

« Ma guitare n’est pas une chose. C’est une extension de moi-même, elle est ce que je suis », « J’ai grandi dans un monde qui disait aux filles qu’elles ne pouvaient pas jouer de rock ‘n’roll », « J’ai compris que ce qu’était un phénomène social qui dictait aux femmes ce qu’elles pouvaient faire. Encore très jeune, j’ai décidé de ne pas suivre les règles qui leur étaient imposées », « Les filles ont des couilles, elles sont juste un peu plus hautes, c’est tout » (http://www.brainyquote.com). Citations chocs parmi tant d’autres, on comprend que la provocation de la reine du rock est destinée à bouleverser les préjugés de toutes sortes. Avec la ferme intention de faire fi des éventuelles critiques, si on s’attarde par exemple à la traduction des paroles du hit Bad Reputation : « Je me fous de ma réputation / Tu vis dans le passé, c’est une nouvelle génération / Une fille peut faire ce qu’elle veut faire / Et c’est ce que je vais faire / Et je me fous de ma mauvaise réputation ».

Si Elvis devait avoir un pendant féminin, ce serait définitivement Jett car aucune autre artiste n’a cristallisé comme elle l’attention des médias depuis ses débuts. Une des premières artistes à avoir joué de l’autre côté du Rideau de Fer, Joan reste, avec Joni Mitchell, l’une des seules femmes à figurer au classement Rolling Stone des 100 meilleurs guitaristes de tous les temps et se range encore, selon les magazines GQ et Blender, parmi les filles les plus hot du rock 36 ans après la formation des Runaways !  Son audace a prouvé aux filles qui voulaient faire du rock qu’elles pouvaient le faire aussi fort que leurs comparses masculins et a ouvert la voie à une révolution musicale féministe. Bête de scène se jouant volontiers de sa réputation sulfureuse, on s’étonnerait presque que, dans la vraie vie, Joan est une femme de principes, pacifiste et végétarienne depuis de nombreuses années.

En guise de bilan, Jett a souhaité livrer à ses fans une version fidèle du groupe qui l’a fait connaître en devenant productrice exécutive de The Runaways sorti en 2010. Inspiré de la biographie de Curie, Neon Angel et réalisé par Floria Sigismondi, on ne peut que vous conseiller la découverte de ce biopic qui vous immergera dans une partie essentielle de sa carrière. Avec Kristen Steward et Dakota Fanning dans les rôles respectifs de Jett et Curie, bien plus que l’histoire d’un groupe, c’est la chronique d’un courageux mais nécessaire putsch musical de reines du rock à l’influence incontestable.

Sites internet :

http://www.joanjett.com/

http://greatesthits.joanjett.com/

http://therunaways.com/

http://www.rollingstone.com

http://fr.wikipedia.org/

http://en.wikipedia.org

http://www.myspace.com/joanjettntheblackhearts

Articles :

Joan Jett Signature Melody Maker : http://www2.gibson.com/Products/Electric-Guitars/Melody-Maker/Gibson-USA/Joan-Jett-Signature-Melody-Maker.aspx

Joan Jett Quotes : http://www.brainyquote.com/quotes/authors/j/joan_jett_2.html

Joan Jett interview by Steve Olson : http://www.juicemagazine.com/JOANJETT.html

Joan Jett by Evelyn McDonnell : http://www.interviewmagazine.com/film/joan-jett-the-runaways/3/

Joan Jett : What I’ve Learned : http://www.esquire.com/features/what-ive-learned/joan-jett-interview-1109

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