Chroniques ordinaires Humeurs

Le vintage

Dans la vie, il y a des gens qui ont la classe, et d’autres … moins. Les gens à qui tout sourit, dont le quotidien n’est qu’amour et beauté (et gloire … elle est beaucoup trop facile, cette blague !) et les gens qui mettent le pied droit dans une déjection canine, le gauche dans une flaque, et les deux dans le plat. Ces deux catégories d’individus sont pour moi reconnaissables selon un test bien précis : une sortie friperies.

Là où toi, tu trouves des chemises à carreaux que ton grand père il avait les mêmes, et deux paires de godillots avec dedans des traces de transpiration, le tout saupoudré d’anti-mites et d’une bonne odeur de renfermé, elle, elle se refait une garde-robe. Elle a à peine besoin de fouiller, ou juste assez pour se donner bonne conscience, et elle tombe par hasard sur la petite robe rétro pile dans la tendance Automne-Hiver 2010, le sac en cuir patiné juste ce qu’il faut et des escarpins Chanel, le tout pour 24,95€. Et, vous avez beau comparer vos adresses, si si, vous allez bien aux mêmes endroits. Des petites adresses confidentielles qui, ces derniers temps, virent un peu ambiance H&M des Halles le premier samedi des soldes, mais bon, passons.

Alors bon, là, moi, je jette l’éponge. Et pourtant, j’adore l’idée du vintage, elle me vend du rêve. Le vêtement déjà habité, exhumé d’une lointaine époque, à qui, en le remettant au goût du jour, on donne une seconde jeunesse, dont on fait revivre tous les idéaux et les révolutions qu’il a un jour représentés. Le foulard de ta maman, qui effectue un retour en grâce à la Une de magazines. Les tissus nobles, qui ont bien vieilli, les beaux cuirs. L’opposé de la consommation de masse, le bric-à-brac qui permet à chaque fille de se composer son look perso, son style qui la fait sortir du lot. Enfin, qui la ferait sortir du lot si la folie du vintage n’avait pas touché massivement la population modeuse ces derniers mois, genre ça a pris tellement d’ampleur que presque le mot « vintage » il est côté en Bourse maintenant. Au Top Ten des conversations du moment :
« -Il est dingue ton manteau, super beau, il vient d’où ? Il a du te coûter un bras, non ?
-Que nenni ma bonne amie, c’est un YSL de 1987, trouvé dans une toute petite boutique toute vieillote, je l’ai eu à 10€, ils avaient pas vu l’étiquette. Mais tu vois, j’ai reprisé la taille et les manches là, là et là, et j’ai changé la boutonnière ! »

Oui, parce qu’en plus d’avoir une tête chercheuse à meilleures affaires du siècle à la place d’un classique orifice nasal, ces demoiselles ont aussi été équipées à la naissance de doigts de fée, dé à coudre intégré, et d’une créativité débordante, option Jean-Paul-Gautier-?-Mais-c’est-mon-père ! Genre avec 10 cm de dentelle je te transforme un sac poubelle en robe cocktail. Genre Mac Gyver de la sape, en plus sexy (et plus pratique, parce que bon, l’abri anti-nucléaire en allumettes et poils d’ornithorynque, t’es gentil minou mais c’est pas exactement au centre de mes préoccupations là.)

Vous l’aurez compris, je suis jalouse. Mais admirative. Mais jalouse.

Au Printemps dernier, pour faire comme mes copines Jeanne et Julie, je suis allée faire le tour des brocantes, dans tout un tas de mignons petits patelins au fin fond de la région parisienne. Ou au début de la Normandie, si l’on se fie aux statistiques 1 humain = 2 vaches. Là n’est pas la question, mais c’est pour vous situer le contexte. Elles, à chaque fois, elles dénichent une frusque ou un accessoire qui me font baver d’envie, une veste, une ceinture, et j’en passe et des rétros. Personnellement, j’ai eu l’honneur d’entrevoir un certain nombre de barreaux de chaises cassés, des pin’s, une collection complète de Maigret en VHS, trois tasses ébréchées et un chien en plastique qui, dans les années 80, devait hocher la tête qu’il n’a plus. Harassée, défaite, j’allais rebrousser chemin et rentrer pleurer dans mes draps tout neufs, eux, quand je l’aperçus. Petit, carré, avec une merveilleuse petite bandoulière et un joli cuir bien souple, il brillait de mille feux, sous ce soleil rasant de fin d’apès midi. (Oui, l’apparition divine de ce sac me rendit lyrique, j’aimerais que vous imaginiez des violons dans votre tête.) Deux euros. Aussitôt vu, aussitôt embarqué, l’air béat offert en supplément, un immense sentiment de victoire m’envahit. Il est donc possible de contrer le sort.

Ceci était une leçon d’espoir, j’espère que j’aurais su vous redonner foi en l’existence et en ses merveilleuses surprises. Ne vous découragez jamais, souriez à la vie, et elle vous sourira, et peut être même qu’elle vous apportera des escarpins Louboutin, la prochaine fois.

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