Littérature

Philippe Djian

« si on ne peut pas avoir le cœur de quelqu’un, faut il pour autant renoncer au reste ? » [Philippe Djian – Assassins]

Biographie :

Philippe DJIAN est né le 3 juin 1949 à Paris. Il passe son enfance dans le 10ème arrondissement de Paris, Philippe Djian s’ennuie à l’école et un camarade le pousse à écrire, ce qu’il fera sous forme de carnets dans un premier temps. Après le lycée, il s’inscrit à la faculté des lettres de Vincennes et l’année suivante opte pour l’école de journalisme de la rue de Rennes, dont il sera dîplomé. Puis il enchaîne les petits boulots (docker, magasinier chez un éditeur, vendeur, interviewer de la veuve de Céline pour le magazine Littéraire), il voyage, en Colombie où il monte des pièces de théatre, devient reporter pour suivre les guérilleros. Sous le pseudo de Dan Parker, il écrit des articles pour le magazine Détective. Il décide de partir près du Mans, et travaille dans une guérite sur l’autoroute. C’est là qu’il rédige son premier ouvrage « 50 contre 1 », un recueil de nouvelles, l’ouvrage publié, Philippe Djian part s’installer dans les corbières restaurer une bergerie.

Si le succès n’est pas immédiat, ses romans apportent un nouveau souffle en phase avec son époque, où l’urgence de la vie fait oublier l’embourgeoisement de la littérature française. On y parle cigarettes, amour, cuites, vaisselle dans l’évier : un quotidien qui dicte des émotions universelles.

Ce sera en 1986 avec l’adaptation au cinéma de « 37°2 le matin » que le succès arrive. Djian va alors se consacrer uniquement à la littérature. Fuyant la monotonie, il déménage souvent –Boston, Florence, Biarritz- sa vie de nomade est un enrichissement pour son écriture. Il rédige un roman tous les 18 mois en moyenne.

Avec pas moins de 17 romans, une pièce de théatre, des nouvelles, des traductions, Philippe Djian est également le parolier du chanteur suisse Stéphane Eicher, mais surtout un écrivain français incontournable dans le paysage de la littérature française.

Romans :

-bleu comme l’enfer, 1983, adapté au cinéma en 1986

-zone érogène, 1984

-37°2 le matin, 1985, adapté au cinéma en 1986

-maudit manège, 1986

-échine, 1988

-lent dehors, 1991

-sotos, 1993

-assassins, 1994

-criminels, 1997

-sainte Bob,1998

-vers chez les blancs, 2000

-ardoise, 2002

-ça c’est un baiser, 1002

-frictions, 2003

-impuretés, 2005

-doggy bag, 2005 à 2008

-impardonnables, 2009, prochainement adapté au cinéma

Nouvelles :

-50 contre 1, 1981

-crocodiles, 1989

-lorsque Lou, 1992

-contes de Noël, 1996

-il dit que c’est difficile, 1998

– mise en bouche, 2008, également en Bd

Théatre :

Lui, 2008

Traductions :

-la campagne de Martin Crimp, 2002

-tendre et cruel de Martin Crimp, 2004

-le gardien de Harold Pinter, 2006

Il rencontre le chanteur Stéphan Eicher devenu ami, dont il devient le parolier de ses chansons.

Ecriture :

Pour Philippe Djian, le style en littérature, c’est tout, même si c’est une souffrance. Cet écrivain particulier, aux mots crus, racontant des situations scabreuses, a un style d’écriture : des phrases fluides, des images douces ou dures, un style oral, un vocabulaire de la rue, à la recherche d’un rythme, dans une ambiance moite, ses romans sont un vrai travail d’écriture, dans lesquels ses personnages ont tous des problèmes, pour lui, la vie est un chemin à parcourir où il y a beaucoup à comprendre et des choix à faire.

Ce solitaire dans le paysage de la littérature française, aime raconter des histoires initiatiques. Si écrire est une souffrance pour Philippe Djian, c’est un plaisir renouvelé, écrire c’est mettre de l’harmonie, donner de la cadence au temps, du mouvement dans l’espace, du swing à l’ennui, c’est ce qu’il a appris de Kerouac : une leçon primordiale, essentielle, vitale.

Philippe Djian a commencé à écrire dans des conditions particulières, sous forme de carnets, puis sous forme de polars, facile à interrompre et à reprendre à tout moment. Si il ne renie pas ce qu’il a écrit à ses débuts, il est toujours content d’écrire, et se sent bien dans sa peau en écrivant, il lui arrive de rigoler seul face à ses écrits, d’ailleurs son leitmotiv est : « savoir s’amuser dans l’écriture ».

Mais son obsession d’écrivain est de trouver les mots justes qui font comprendre l’époque, chaque phrase doit contenir le monde entier, tout en expliquant des choses qu’il ne dit pas, son travail en écriture est basé au niveau visuel, la forme des paragraphes, les blancs dans les feuilles, mais également sur son style d’écriture.

Pour lui l’écriture est quelque chose que l’on a en soi et qui se développe tout doucement. Le temps lui a permis d’écrire, avoir du temps pour poser des mots sur une feuille blanche, lire beaucoup de livres, avoir du temps, attiré par l’écriture et se retrouver dans une situation propice l’ont amené à écrire.

Pour Djian, le chemin secret pour toucher l’autre, pour lui ouvrir les yeux, c’est la langue. C’est pour l’écrivain un outil qu’il propose au lecteur afin de l’aider à comprendre l’univers dans lequel il vit et donc à mieux vivre, c’est ainsi qu’il voit la littérature car il l’a reçue ainsi à 20 ans. Pour lui un écrivain se doit d’être capable de décrire le monde dans lequel on vit, trouver une forme, une écriture, travailler sa langue. La langue doit capter l’époque du temps présent. Un mélange de sophistication et de trivialité qui reflète le monde d’aujourd’hui au travers de phrases denses et belles. Djian écrit des livres populaires, car il s’intéresse aux autres, quant il écrit, il cherche une mélodie, une voix, une histoire et avec tout cela il bâtit un roman. Au fil des romans son écriture devient plus fluide.

Décalé, solitaire, Philippe Djian a souvent l’image d’un rebelle, d’un marginal, Djian énerve ou est admiré, peu lui importe, il fait son travail d’écrivain, en se souciant de son écriture, en trouvant les mots pour dire une vérité sur l’humain et le monde d’aujourd’hui.

Djian écrivain, aimé des cinéastes et des jeunes, est un écrivain, un vrai, ses histoires sont des rapports entre les gens, où règne l’amour et la haine. Il écrit des livres qu’il aimerait lire, ce qui lui plait c’est le plaisir de lire. Avant d’écrire un livre, l’histoire est insconsciemment en lui et il la découvre au fil de ses écrits.

Cela fait près de trente ans que Philippe Djian écrit, avec un formidable talent à dire la vie contemporaine dans toutes ses dimensions. Il a plaisir avec les mots, écrire une phrase, un paragraphe, il joue avec la matière qu’est la langue, car toutes ses grandes émotions il les a vécu par la littérature. Dans chacune des phrases qu’il écrit, Djian doit faire comprendre l’époque d’aujourd’hui. Une époque bêtement dangereuse : ses romans disent l’époque mais ne lui ressemblent pas, le monde est glauque, donc il y a de la noirceur dans ses livres, le monde est lugubre avec des espaces lumineux.

Le lecteur de Djian doit être en phase avec lui, il va comprendre ce qu’il a voulu mettre au mot près, en se fichant de l’histoire, comme son auteur. Ecrire une histoire, mais l’écrire bien. Djian aime en lisant trouver l’auteur qui est derrière les mots, son style. L’écriture ouvre sur le monde, plus elle est introspective, plus elle sera ouverte à l’extérieur.

Pour Djian l’écriture remet un peu d’ordre dans le chaos. La mer est présente dans ses romans, attiré par l’élément liquide, la mer est une ouverture pour partir. Lent dans l’écriture, mais rapide dans le choix des mots, pour Djian il faut être très rapide pour saisir l’émotion tout en conservant la lenteur de l’écriture. Car la beauté d’une phrase peut venir d’une redondance. Il a plaisir avec la matière, les mots, écrire une phrase, un paragraphe, il joue avec la matière qu’est la langue. Toutes ses grandes émotions il les a vécu par la littérature.

Le problème n’est pas le choix de l’histoire mais dans l’acte d’écrire, comment se forger un style. Pour lui un roman est l’endroit d’où il peut parler et s’adresser aux autres, donner son avis sur certaines recherches, certains courants actuels en matière d’écriture. Ses recherches sont centrées sur l’accent des dialogues, les répétitions, la façon dont une phrase est écrite, les concordances des temps.

Philippe DJIAN, écrivain solitaire, a su créer une atmosphère particulière et inimitable dans la littérature française.

Actualité… et longue amitié :

Et puis on ne peut terminer d’évoquer Philippe Djian, sans parler de son amitié profonde avec le chanteur Stéphan Eicher, dont il écrit les chansons.

Depuis plus d’une vingtaine d’années, Philippe Djian, romancier français et Stéphan Eicher, chanteur suisse, forment un indestructible tandem de parolier-compositeur. Invités par le Festival International de Littérature fin septembre 2009, les deux amis ont offert à leur public un huit clos mélodique, sorte de face à face, dans lequel ils ont présenté une dizaine de chansons qu’ils ont faites ensemble. Tour à tour, ils parlent, chantent, jouent de l’instrument, s’invectivent gentiment, ironisent, mais au cours de ce concert littéraire d’une heure ce qui ressort c’est l’incroyable lien d’amitié qui les lie, « … ce qui nous lie tous les deux, dit Philippe Djian, ça dépasse la simple amitié », sur scène ils prennent du plaisir. Pour Djian, « écrire des chansons m’a poussé à toujours plus de rigueur, plus d’écoute du rythme et de la mélodie, les chansons qui appellent nécessairement la répétition m’ont libéré en quelque sorte de cette peur de la répétition, qui est pourtant si efficace, en écriture »…

Quelques mots sur quelques bouquins :

« Sotos », 9ème roman de Philippe Djian, qui se déroule dans le grand sud, sorte de fiction peuplé de toros et d’évocations tauromachiques, où érotisme et violence sont présents au travers de la corrida. Pour Djian, la corrida est une représentation des âges de la vie et la manière dont on peut avoir une vision de la vie en général. Trois personnages d’âge différents se retrouvent au cœur de l’histoire affrontant la vie. « Entrer dans la vie » pour Djian, « c’est entrer dans l’arène. On est jeune, la vie est à vos pieds, puis vient le moment des problèmes, on reçoit les châtiments, comme le taureau reçoit les piques et les banderilles. La vie se charge de vous calmer et vous faire comprendre que ce qui va se passer est plus compliqué qu’il n’y parait, puis vient la mise à mort. »,

«Criminels », est un roman qui évoquent les questions qu’abordent la cinquantaine. Ce roman est plein de fraîcheur avec des dialogues abondants et qui collent au plus près de la réalité. Un homme doit choisir si il veut vivre ou s’enterrer pour de bon..

« Ardoises », est une sorte de déclaration d’amour à dix écrivains qui ont ému Djian. Salinger, Céline, Cendrars, Kerouac, Melville, Miller, Faulkner, Hemingway, Brautignan, Carver font partie de cette liste des premiers écrivains qui ont bouleversé sa vie et l’ont amené à la littérature.

« Ca c’est un baiser », roman policier classique, une vraie enquête dont les gens ont des problèmes personnels qui viennent brouiller le bon déroulement de l’instruction. Les personnages sont ainsi placés dans une situation où ils portent un regard particulier sur leur environnement et sont en permanence confrontés à la violence, qu’ils semblent accepter, et trouver presque naturelle. Le thème essentiel du roman est la solitude.

« Doggy Bag », est une série littéraire déclinée en six saisons où rapports parents-enfants, ambition, amour, haine sont les thèmes qui ressortent mais où tragique et grotesque sont le fil de l’écriture. Dans cette histoire de familles à l’équilibre fragile où les blessures ressortent, Djian s’est inspiré de la structure de la série américaine « six feet under » pour écrire une fiction sur deux frères qui tiennent un garage « doggy bag ».

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1 Comment

  • Reply
    Elodie
    14 octobre 2009 at 19:16

    J’ai lu Frictions dernièrement. C’était vraiment génial.

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