Chanteuse rock

Ayo

« Down on my knees/ I’m begging you…/ Please don’t leave me ». Comment oublier les paroles déchirantes d’une Ayo amoureuse qui veut tout sauf être quittée ?

Si le single « Down On My Knees » a été la sensation de l’été 2006, propulsant de ce fait « Joyful » au panthéon des meilleurs premiers albums européens, l’artiste n’a pas eu à se morfondre longtemps avant d’avoir un parterre de fans à ses pieds. A l’image de ses origines métissées, la jeune femme a en effet imposé une musique à la croisée des influences folk, soul et reggae subtilement mise en valeur par sa voix puissante et feutrée. Après avoir raflé de multiples récompenses en France comme ailleurs, la belle s’attaque désormais au continent américain qui se montre plutôt sensible à celle qu’on a pris l’habitude de surnommer « la Diva Afro-Folk », « la Nouvelle Tracy Chapman » ou bien encore « La Ben Harper au Féminin ». Tandis que les USA découvrent tout juste « Joyful », la Vieille Europe se réserve l’exclusivité d’accueillir le nouvel album de la chanteuse, « Gravity At Last » dans les bacs le 29 septembre prochain.

A la première écoute du single phare « Slow Slow (Run Run) » sorti le 30 juin dernier, on devine que la célébrité n’a en rien changé Ayo, toujours aussi naturelle et spontanée. « Un album ne suffisait pas pour parler de ma vie, de mes opinions. Dans ce nouvel album, je parle de ce qui me choque dans le monde, des politiques et de la corruption. Mais il y a de nouveaux sujets comme l’amour, mon père, ma mère, mon fils » explique la jeune femme sur son site officiel (ayomusic.artistes.universalmusic.fr). Car des périodes difficiles, Ayo en a traversé. Ce qui fait sa force ? Une foi rare en l’espoir… Et en l’amour !

« Ne pas avoir de pays, c’est être libre »

A destin hors normes, enfance peu commune. Joy Olasunmibo Ogunmakin naît le 14 septembre 1980 à Frechen, près de Cologne en Allemagne, d’un père nigérian étudiant en ingénierie mécanique et d’une mère roumaine tsigane « mais pas dans les clichés de la caravane », précise la jeune femme. Comme un signe du destin, son deuxième prénom signifie en langue yoruba « Celle qui est née à l’extérieur mais qui reviendra avec la prospérité en elle ». Clin d’œil aux origines de son père, c’est donc tout naturellement que la chanteuse choisira plus tard le nom de scène « Ayo », traduction de son véritable prénom Joy (« Joie »). Dernière d’une fratrie de quatre enfants, la petite Joy passe ses premières années auprès de sa grand-mère au Nigeria, un pays qui la marquera à jamais. Ses parents craignent cependant un trop grand poids des traditions et décident de la faire rapatrier en Allemagne.

Revenue dans le pays qui l’a vu naître, la petite fille assiste impuissante à la descente aux enfers d’une mère qui sombre dans l’héroïne : « Ma mère était toxicomane. Elle est partie quand j’avais 4-5 ans mais elle est restée proche de moi. Je ne l’ai jamais jugée. Maman est ma muse. Mon père qui nous a élevés, ma sœur, mes deux frères et moi, a toujours été là pour elle. Dans la mentalité africaine, quand on s’engage, c’est pour la vie. Il ne savait pas à quel point la drogue pouvait détruire. J’ai écrit « How Many Times » pour elle. Petite, j’ai beaucoup cru en ses mensonges. Aujourd’hui, je raconte à mon tour des histoires, mais les miennes sont vraies » (fanclub-ayo.over-blog.fr). La jeune Ayo cherche dans la musique un exutoire : elle commence à apprendre le violon et le piano avant de se mettre finalement à la guitare, sur laquelle celle-ci compose ses premières chansons comme « Neva Been » figurant plus tard sur son album Joyful.

Ballottée entre différentes familles d’accueil, l’adolescente retrouve le domicile familial à 14 ans. C’est sur la musique que le père et la fille s’accordent : véritable mélomane et dj à ses heures, M. Ogunmakin fait résonner la maisonnée de son impressionnante collection de vinyles. L’afro beat de Fela Kuti, le reggae de Bob Marley, la soul de Marvin Gaye, le rock psychédélique des Pink Floyd sont pour l’artiste en herbe de véritables sources d’inspirations. Largement baignées par les démons de sa mère, les premières œuvres qu’elle compose en cachette sont pour la jeune fille un moyen d’exorciser son mal être. Quand un jour pourtant, M. Ogunmakin découvre les dons artistiques de sa fille, ce sera pour l’encourager à 100%. Pas besoin de pousser plus les études si son avenir est dans la musique ! A 18 ans, Ayo enregistre sa première maquette et l’envoie à diverses maisons de disques.

Mais ce qu’on lui propose ne la satisfait pas. « A la fin de mon adolescence, on voulait que je sois la Britney Spears black de Cologne. Puis Warner voulait faire de moi leur artiste féminine reggae » (guardian.co.uk, 08/08/2007). Ayo veut le contrôle total de sa carrière artistique et ne pas être une charmante marionnette. Après un passage par Hambourg, la jeune fille a la bougeotte et décide de poser ses valises à Londres dans la famille de son père. Elle a 21 ans et enchaîne les jobs, jouant de son physique avantageux en posant comme mannequin : « Mais ce métier ne me correspondait pas. Je n’aime pas poser devant les photographes, je n’aime pas faire semblant. Je ne pourrais jamais être actrice » (fanclub-ayo.over-blog.fr, op.cit).

Le virus du voyage la rattrape et celle-ci décide de mettre le cap vers Paris. Dans la capitale française, Ayo se sent comme chez elle, tellement même qu’elle habitera pendant deux ans au quartier des Halles. Une performance pour cette grande voyageuse devant l’éternel ! A Paris, l’artiste d’expression anglaise continue d’écumer les scènes locales, en faisant notamment la première partie du chanteur brit soul Omar et en improvisant aux côtés de Cody Chesnutt à l’Elysée Montmartre. D’underground, sa réputation va croître petit à petit avec la mise en ligne de « Down on My Knees » sur son myspace et du clip s’ensuivant sur dailymotion. Pas de doute, Ayo commence à faire parler d’elle.

« Joyful »

Entre autres rencontres artistiques, la chanteuse fait la connaissance du reggae-man allemand Patrice, avec qui elle se mariera dans la foulée. Le besoin de produire un album se faisant de plus en plus sentir, Ayo se met à l’écriture de cinq chansons mais doit bientôt les mettre de côté à cause de sa grossesse. Déjà sous contrat avec Polydor, la jeune femme préfère privilégier sa vie familiale avant tout le reste : « Tout d’un coup, je n’en avais plus rien à faire. […] J’ai alors pensé : Je n’ai pas besoin de sortir un disque. Ces chansons sont là, ce seront toujours les miennes et ça me faisait plaisir de simplement les jouer dans les bars. J’étais si heureuse d’apprendre que j’allais être mère que j’avais envie de lâcher du leste » (guardian.co.uk, 08/08/2007).

Revenue en Allemagne suivre la tournée de son mari, Ayo décide d’écrire à Polydor France pour rompre son contrat. La major va dans le sens complètement opposé en lui offrant les pleins pouvoirs sur son premier album : en plus de chapeauter le contrôle artistique de A à Z, la chanteuse a le droit de travailler avec le producteur de son choix ! Optant pour Jay Newland, le co-producteur du célèbre Come Away With Me de Norah Jones, la jeune mère du petit Nile (né fin 2005) prend le chemin des Sony Music Studios de New York début janvier 2006. En seulement cinq jours d’enregistrement live, « Joyful » est bouclé !

Ayo a tout juste le temps de profiter de sa toute nouvelle maternité que le phénomène est lancé. Sorti le 12 juin 2006 à l’échelle européenne, « Joyful » déferle sur les ondes radios par le biais du single phare « Down On My Knees ». Et le public de succomber aux paroles simples mais habitées d’une chanteuse à la voix magnétique capable d’émouvoir jusqu’aux larmes. A l’écriture folk, l’artiste sait combiner l’intensité des vibrations soul et la rythmique reggae pour le plus détonnant des mélanges ! En témoignent le succès des singles qui se succèdent dans les charts jusqu’en 2007: sa magnifique ré-interprétation du standard jazz « And It’s Supposed to Be Love » écrit par Abbey Lincoln, « Help Is Coming » et « Life Is Real ».

Contrairement à ce que renvoie son titre, « Joyful » est loin d’être « Joyeux » d’un bout à l’autre. Certes, Ayo y célèbre l’amour envers son fils et son mari (« Watching You », « Only You »), mais apparaissent également à demi-mot les épisodes traumatisants de son enfance (« Without You », « How Many Times ? »), des moments de doute (« These Days ») et de questionnement sur l’Amour (« What Is Love ? »). Remanié sur un tempo qui rappelle la chaleur de la musique caribéenne, on en oublierait presque que « And It’s Supposed To Be Love » est une chanson dénonçant la maltraitance conjugale. Aux coups durs, la chanteuse préfère toujours choisir l’alternative de l’espoir qu’elle martèle de toutes ses forces sur le titre « Help Is Coming » (« Help is coming/ As long as you believe/ Help is coming/ For us to be released […], en français « L’aide arrive/ A condition que tu y crois/ L’aide arrive/ Pour que nous soyons libérés […]).

Celle qui confesse ne trouver sa plénitude qu’en étant au chant accompagnée de sa guitare « parce qu’alors je suis moi-même à 100%. Dans la vie de tous les jours, vous n’êtes qu’à moitié vous-même. Tout reste en surface. Vous cachez vos sentiments profonds. La musique, pour moi, ce n’est pas de la représentation, ce n’est pas une performance, c’est ce qui me permet d’être moi » (reggae.fr) a de quoi se réjouir. Car le moins que l’on puise dire, c’est que son optimisme est communicatif ! En France, sa deuxième « maison », Joyful s’écoule à plus de 450 000 exemplaires, reste plus de 30 semaines dans le Top 20 des meilleures ventes et est classé double disque de platine… Sans oublier 5 concerts à l’Olympia affichant complet, dont sera tiré le DVD Live At The Olympia, certifié platine à son tour, deux nominations aux Victoires de la Musique 2007 dans la catégorie « Artiste Féminine de l’Année » et « Meilleur Clip » pour « Down On My Knees ». Les autres pays européens suivent de peu : le premier album se voit décliner en platine en Allemagne et en Pologne, tandis que la Suisse, la Grèce et la Suisse lui préfèrent l’or.

Enfin la gravité

Après une remarquable tournée européenne qui la fait passer par la France, la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne, que reste-t-il à Ayo à part conquérir le Nouveau Monde ? Entamée fin 2007, la promotion de « Joyful » se poursuit encore à l’heure actuelle sur le territoire américain qui est en passe de succomber au phénomène. Médias et artistes s’accordent à saluer la performance du premier album : tandis que Vibe Magazine le positionne comme « un recueil sensationnel de ballades agitées », le rappeur Snoop Dog a déjà proposé à la chanteuse une version remixée de son « Life Is Real » ! En se frottant à l’univers peu commun d’Ayo coincé entre bonheur et mélancolie, il y a fort à parier que le public ne tarde pas à suivre.

Et l’artiste de récidiver. Pour ses fans européens qui attendent avec impatience son retour sur les ondes, celle-ci reprend les sessions d’enregistrement au début de cette année. Posant ses bagages cette fois-ci aux Bahamas dans les studios de Compass Point, propriété du fondateur du label Island, Chris Blackwell. Et il faut dire que la pression est forte : les artistes qui l’ont précédé dans cet endroit mythique ne sont autres que Bob Marley, les Rolling Stones ou encore les B52’s ! Toujours aux côtés de Jay Newland mais officiellement en tant que co-productrice, Ayo relève une nouvelle fois le défi de boucler « Gravity At Last » en l’espace de 5 jours.

« Je n’avais pas de raison particulière de tout changer du jour au lendemain : la musique reste ma thérapie et l’honnêteté ma bannière » (ayomusic.artistes.universalmusic.fr, op.cit) confie l’auteure-compositrice. Pour coller le plus parfaitement au son des seventies qu’elle affectionne tant, la chanteuse a donc travaillé en mode analogique, c’est à dire à l’ancienne. Entourée d’instruments vintage, avec les claviers généreux du bluesman Lucky Peterson et la guitare de Larry Campbell qui s’est précédemment illustré auprès de Bob Dylan, Ayo dispose donc des conditions parfaites pour élargir son spectre musical. Sans pour autant tout vous dévoiler, on peut déjà vous dire que sur les 13 titres, certains sonneront blues (« Maybe »), gospel (« Thank You »), rappelleront la chaleur africaine (« I Am Not Afraid », et s’ouvriront à la ballade piano-voix (« Better Days »). Le tout plus riche et plus orchestré que le précédent opus pour en faire un disque « plus porté sur la rythmique tout en gardant la voix et la guitare au premier plan » (ibid).

Mais alors pourquoi le titre « Gravity At Last » (en français Enfin La Gravité ) ? Ayo l’explique ainsi « La gravité est d’abord musicale, le son est plus lourd que le précédent. Mais c’est aussi la maturité d’une fille devenue maman. Mon rôle social a évolué : je ne suis plus l’enfant de mes parents mais la chef de famille. Beaucoup de choses ont changé dans ma vie, je suis plus mûre, plus adulte, je suis devenue une femme aujourd’hui. Je comprends désormais des choses que je ne comprenais pas auparavant. Devenir parent m’a fait voir mes parents d’une autre façon » (ibid). Avant d’ajouter « Le titre du disque est aussi une délivrance, At Last (Enfin) signifie aujourd’hui que je suis plus sereine, plus en paix avec moi-même. Je me sens plus forte désormais et je laisse le passé derrière moi » (ibid).

La tête sur les épaules et le regard bien droit devant elle, Ayo a su sublimer ces étapes difficiles. Partageant dorénavant sa vie entre l’Allemagne, la France et les Etats-Unis, l’artiste trouve sa stabilité dans cette vie de bohème. Les plus chanceux l’ont peut-être croisé cet été au détour de festivals ou sur scène en duo avec son mari sur le titre « Same Old Thing ». Les autres se seront consolés en écoutant son nouveau 2 titres « Slow Slow (Run Run) » lancé le 30 juin dernier, dans lequel celle-ci clame haut et fort que sa notoriété nouvellement acquise ne l’a pas transformée. Car de la philosophie, la chanteuse n’en manque pas « J’ai foi en la vie. Même quand on a vécu des moments incroyablement durs, le plus important, plutôt que de s’en souvenir, c’est de profiter de la vie : on ne doit pas perdre de vue que si l’on est motivé, on peut continuer. Ainsi on peut rester à la surface des choses même quand le cœur exige de pleurer » (http://fanclub-ayo.over-blog.fr, op.cit). Vous l’aurez compris, Ayo est une thérapie douce à consommer sans modération… Début du traitement : le 29 septembre prochain !

(Les photos proviennent du site officiel http://ayomusic.artistes.universalmusic.fr/)

SOURCES :

Sites Internet

* http://ayomusic.artistes.universalmusic.fr/
* http://www.myspace.com/ayo
* http://fanclub-ayo.over-blog.fr/
* http://ayo.wikidot.com/
* http://www.postonove.com/img/data/bios/ayo_biog2007_english.pdf
* http://www.evene.fr
* http://www.reggae.fr
* http://www.allmusic.com
* http://www.marieclaire.co.uk
* http://fr.wikipedia.org
* http://en.wikipedia.org

Articles en ligne

* Interview Ayo : rencontre à New York (01/08/2008)

http://www.onlygroove.com/article/…

* La talentueuse chanteuse Ayo se confie à Afroplurielles

http://culture.afroplurielles.com/Musique/…

* She shall overcome (08/08/2007)

http://www.guardian.co.uk/music/…

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