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Femmes et automobile

Il ne faut pas se leurrer, le milieu automobile est très majoritairement machiste. Le tuning, qui consiste en la personnalisation à outrance de modèles standard, en a même fait son cheval de bataille. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les couvertures de certains magazines (ADDX, par exemple) pour s’en assurer.

De même, les hôtesses font partie des incontournables des salons automobiles internationaux, particulièrement présentes lors des journées réservées aux médias. Les journalistes automobiles étant en très grande majorité des hommes, les constructeurs sont à peu près certains de trouver par là un vecteur d’image percutant. Chaque marque rivalise pour présenter les filles les plus jolies, les mieux habillées. Et bien entendu, la tenue est un reflet de l’image du constructeur. A l’exemple du groupe FIAT qui avait différencié les « uniformes » selon le caractère de chacune de ses marques lors du dernier salon de Genève. Les hôtesses FIAT étaient habillées dans une robe jeune et tendance, chez Alfa Romeo, le charme à l’italienne était mis en avant, le dynamisme de la griffe sportive Abarth se retrouvait dans les couleurs rouge et blanc des robes alors que Lancia (photo) prônait l’élégance classique que revêt la nouvelle Delta.

Un autre aspect fantasmatique est le nombre assez impressionnant de voitures portant des noms de femme. Alfa Romeo a voulu (et réussi à) séduire l’Italie et bien au-delà avec ses Guilia et Guilietta.

Mercedes est le prénom de la fille d’Emile Jelinek, mécène ayant acheté plusieurs voitures à Karl Benz. Plus proche de nous, on connaît les Renault Clio et Mégane, Sbarro Christelle, Lotus Elise…

La publicité est un témoin excellent du temps passé. L’automobile n’échappe pas à la règle, avec par exemple des affiches art déco signées de peintres comme Geo Ham dans les années 1930. Les femmes apparaissaient coiffées à la garçonne, dans le style d’alors. Avec les années 1950, l’après guerre et les restrictions économiques changent la donne. Aux modèles puissants d’avant guerre (les Renault les plus huppées pouvaient alors rivaliser avec Cadillac ou Mercedes) succèdent en Europe des voitures populaires comme la Citroën 2CV ou la Renault 4CV. Evidemment, l’argumentaire change totalement. Le modèle est alors celui de l’American Dream, mettant en avant le confort au quotidien et la praticité avant tout. Cela est traduit par des aquarelles où la femme a une place de ménagère. On vend alors une auto comme on vendrait une machine à laver. Le produit automobile se présente comme indispensable à la vie moderne.

Avec les années, la publicité s’est mise à raconter des histoires, pour faire rêver autour d’un produit devenu banal. Le marché n’est plus de conquête mais de remplacement et les constructeurs doivent tout faire pour se démarquer. Et parmi ces histoires, certaines ne sont pas très galantes. C’est par exemple le cas d’un spot pour la Nissan Primera, censé vanter la fiabilité légendaire des voitures japonaises. Il montrait une femme subissant de multiples opérations de chirurgie esthétique, avec comme conclusion de son mari : « Ma femme, c’est à sa voiture que je la reconnais ». La première publicité de la Renault Mégane, fin 1995, montrait le pouvoir de décision de la femme dans le couple pour le choix d’une voiture. Replaçons-nous dans le contexte. La Renault 19 était un succès, la Mégane, présentée au Salon de Francfort 1995 doit la remplacer. L’idée du spot publicitaire est que les hommes aimeraient bien remplacer aussi leur R19 par une Mégane. Seulement, Madame n’en voit pas l’intérêt, étant donné que la 19 « marche encore très bien ». La série de plusieurs films montre des hommes détruisant volontairement leur 19 pendant que leur femme a le dos tourné, afin d’avoir un prétexte pour acheter la Mégane. Si elle n’est pas très flatteuse, cette publicité a le mérite de montrer que la femme n’est plus la ménagère insignifiante apparaissant sur les aquarelles vantant la Dauphine quarante ans plus tôt.

Des voitures pour les femmes

Malgré la performance de Bertha Benz, qui fut la première personne à faire un long voyage en voiture, l’idée d’une voiture pour les femmes a mis bien longtemps à faire son chemin. Il y eut certes les concours d’élégance dans les années 1930, qui insufflaient l’idée qu’une femme pouvait être propriétaire d’une voiture. Un des pionniers du marketing envers les femmes (et même du marketing en général) fut le sémillant Henri-Théodore Pigozzi, président de SIMCA. Dans les années 1950, il se vantait de vendre ses voitures aux plus belles femmes de Paris. Le joli petit cabriolet Océane n’y était sans doute pas étranger. D’une manière plus large, la gamme SIMCA était constituée de modèles mettant en avant un style coloré.

De nos jours, les constructeurs prennent plus en compte les désirs des femmes dans la conception des voitures. Souvent, le style est un facteur primordial, orientant le modèle vers sa clientèle. C’est ainsi que des modèles au style néo-rétro comme la MINI et la FIAT 500 ou aux formes rondes comme la Nissan Micra et la Lancia Ypsilon sont cataloguées comme « des voitures de fille ». A un tel point qu’Arnaud Belloni, le président de Lancia France, juge qu’ « il n’est plus nécessaire d’essayer de vendre l’Ypsilon aux hommes ». En effet, son style, surtout en version bicolore, fait de ravages auprès de la gent féminine.

Cet artifice de peinture, inauguré lors du Mondial de l’Automobile de Paris en 2004, fut présenté sur toute la gamme (y compris la berline routière Thesis), de manière à égayer le stand. Bien leur en a pris car le succès de cette idée a conduit à une mise en production, assurant une visibilité extraordinaire de ces petites citadines dans la rue, très bénéfique pour les chiffres de vente. Ayant identifié sa clientèle, Lancia a choisi le créateur Stefano Gabbana comme ambassadeur dans un spot télévisé.

Ce n’est pas un cas isolé, nombre de constructeurs choisissant de parler mode, le plus souvent pour des séries limitées destinées à séduire les femmes. On a ainsi vu la Peugeot 106 Inès de la Fressange, les Renault Twingo Kenzo et Benetton, La Nissan Micra Lolita Lempicka, la Renault Twingo e (agence de mannequin Elite)… Castelbajac a lui inventé le prêt-à-porter automobile pour Smart (voir le dossier sur Castelbajac dans le numéro 9 de Save My Brain). Ce sont parfois les magazines féminins qui s’associent aux constructeurs, avec la Volkswagen Polo Elle, la Nissan Micra Marie-Claire ou encore la Renault Modus Cosmopolitan. Par contre, la version haut de gamme du Range-Rover, dénommée Vogue, n’a rien à voir avec Anna Wintour !

Plus largement, la communication autour d’un modèle fait évidemment cas de sa cible. Il n’y a qu’à jeter un œil sur le site de la Daihatsu Move Latte, midget réservée au marché japonais, pour se convaincre qu’il s’agit d’un modèle féminin. De même, les publicités de la Peugeot 106, au milieu des années 1990 (Chérie, tu me prêtes ta 106 ?) ou de la dernière Opel Agila (Flex and the City) vont également dans ce sens. Vous l’aurez peut-être remarqué, nombre de ces autos soi-disant destinées aux femmes sont de petits modèles citadins. Paris Hilton, sa Ferrari F430 dont l’écusson est incrusté de diamants, est donc une exception.

Dans les salons automobiles internationaux, les stars sont les concepts-car, ces autos uniques destinés à montrer le savoir-faire des constructeurs et le futur de leurs modèles. Parmi elles, la Nissan Pivo², présentée au salon de Tokyo en 2007 préfigure de manière rigolote et féminine la citadine du futur, capable de tourner sur place et de communiquer avec son conducteur. Mieux sont les voitures conçues par les femmes. On a ainsi vu la Chrysler Akino, du prénom de sa designer, Akino Tsuchiya. Quant à la Volvo YCC, il s’agit d’un coupé compact conçu par un groupe de femmes, membres du bureau d’études du constructeur suédois. Ce concept présente quelques spécificités pratiques, à l’image des appuie-tête conçus pour s’adapter à une conductrice portant une queue de cheval.

Les femmes dans l’automobile

Par leur créativité, leur coup de volant ou tout autre talent, des femmes ont marqué l’histoire de l’automobile. Françoise Sagan était par exemple une grande amatrice de vitesse et de conduite sportive. Elle a notamment racheté une voiture de course au constructeur Gordini, un modèle qui a participé aux 24 heures du Mans.

Dans le monde de la compétition, il convient aussi de citer Marlène Cotton. Ce fut la première femme à devenir la directrice du service course d’un grand constructeur, en l’occurrence Citroën. Elle fut notamment responsable des engagements et succès des DS et SM en rallye, dans les années 1970.

Toujours en rallye, Michèle Mouton se situait derrière le volant. Elle mena à la victoire l’Audi Quattro plusieurs fois au début des années 1980, remportant le titre du champion du monde des rallyes en 1981. Une époque où le règlement autorisait des voitures surpuissantes et délicates à conduire.

L’Allemande Jutta Kleinschmidt a elle inscrit son nom dans l’histoire comme étant la première femme à avoir remporté le Dakar. Après avoir débuté chez Schlesser, c’est sur un Mitsubishi Pajero qu’elle s’illustre en 2001.

Enfin, Danica Patrick est une étoile montante du sport automobile américain. Elle a remporté sa première victoire en Indy Car Series (sorte de Formule 1 américaine) en avril dernier. La suite de sa carrière s’annonce prometteuse, gageons que ce n’est qu’un début.

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