Chroniques ordinaires Humeurs

Les caisses au supermarché

Midi sonne. L’appétissante odeur de friture qui émane de la cantine de l’entreprise vous encourage vivement à passer à la supérette du coin pour composer un déjeuner plus équilibré.

Après avoir slalomé gaiement entre les allées pour choisir une salade aux lentilles, une bouteille d’eau et deux yaourts 0%, vous vous félicitez du temps parfaitement géré. Quatre minutes et vingt deux secondes chronos dans le magasin, vous tenez votre nouveau record. D’un pas léger, vous vous dirigez donc vers les caisses. Et là, le drame. La dextérité dont vous venez de faire preuve se heurte à un sérieux obstacle. Une foule incroyable a eu exactement la même idée que vous pour son repas.

Sans céder à la panique, vous considérez l’état des lieux. Les caisses ne sont pas toutes au même niveau et vous ne comprenez toujours pas les gens qui s’enthousiasment en arrivant devant une file dont la caissière réside au moins dix mètres plus loin que ses congénères…

Comme on ne vous y prendra pas à faire une telle erreur de débutant, le tri se fait de lui-même et voila déjà la moitié des caisses éliminée. A vous maintenant de repérer la caissière la plus éveillée, les clients les plus pressés, et les caddies les moins encombrés. Bien sûr, il faut éviter à tout prix les petites mamies qui choisissent systématiquement le même moment que vous pour faire leurs courses… Quand on n’a rien à faire de sa journée, on pourrait au moins faire ses emplettes à un moment moins crucial pour les gens pressés.

Enfin un placement stratégique semble s’offrir a vous. Sur votre droite, une file raisonnable apparaît. Le seul souci est peut-être le caddie plein à raz bord qui termine la procession de chariots. Mais dans la vie, il faut prendre des risques alors vous vous placez témérairement à la suite. Avec un peu de chance, la mère de famille sera attendrie par votre salade de lentilles et de votre bouteille d’eau et vous proposera de passer devant elle. Mais dans le cas où ses enfants l’auraient poussée à bout ce matin et que son humeur ne serait donc pas à la générosité et à l’empathie, vous êtes partie pour une longue, très longue, attente…

Finalement vous ne sentez pas la matrone très coopérative et vous vous faufilez plus loin. Au vu du peu d’aliments qui vous encombre et du temps que vous perdez au milieu de tous ces clients qui n’avancent pas, vous auriez quand même pu prendre en plus cet éclair au chocolat qui vous faisait tellement envie.

De guerre lasse, vous vous postez sans conviction au bout de la première caisse que vous croisez et histoire de vous occuper un peu, vous repérez les dernières personnes des deux files qui vous côtoient, et vous menez une course mentale contre eux. Course dont vous êtes la seule au courant, bien que vous les soupçonniez d’en faire autant de leur coté… Et si la victoire n’est pas obligatoire dans cette compétition effrénée, l’ex-aequo à l’arrivée est plus que recommandé pour votre bien-être intérieur.

Le monsieur sur votre gauche semble prendre du retard, suite à un problème de lecture de code barre sur un paquet de lasagnes. Soulagement, vous remerciez dieu de ne pas avoir choisi la même caisse que lui. Pour sa part, la jeunette sur votre droite avance très rapidement, sa caissière évolue avec la maitrise d’un ouvrier à la chaîne, scannant rapidement les articles, tandis les clients organisés suivent le rythme pour remplir en cadence leurs sacs plastique.

Finalement, votre tour arrive enfin. La caissière, comme un miracle qu’on n’attendait plus, est là, juste devant vos yeux. Heureuse, vous lui lancez un bonjour plus qu’amical auquel elle ne daigne même pas répondre. Votre bonne humeur s’évapore aussitôt. Mécaniquement, elle attrape votre repas et vous annonce sans chaleur le montant que vous lui devez.

Au moment de payer, vous tentez une petite blague, une petite phrase réconfortante, histoire de tenter de lui décocher un sourire. Mais non, rien n’y fait alors, votre sac en main, vous lui souhaitez une bonne journée. Vous êtes polie, vous. Et vous retournez, épuisée, au bureau où on vous fera gentiment remarquer qu’il va être l’heure de votre réunion. La prochaine fois, peut-être que vous vous laisserez tenter par les frites baignant de l’huile…

Article co-écrit avec Marion Deveille

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