Chroniques ordinaires Humeurs

Le métro

Vous cherchez désespérément un rayon de soleil ? Vous êtes expatriée de votre province natale, en vacances à Paris ou encore véritable parisienne ? Votre bonheur est peut-être plus accessible que vous ne le pensez… Selon que vous vous trouviez dans l’un ou l’autre des cas que je viens d’évoquer, plusieurs possibilités s’offrent à vous, mais votre point de chute sera nécessairement un seul et même lieu : le métro. Lorsque je parle de « possibilités », je pense plutôt à des situations que vous devrez affronter une fois descendue dans cet antre où l’homme revient à l’état de nature hobbesien. Les inventeurs de génie qui accouchèrent du projet à la fin du XIXe siècle avec un système unique au monde doivent se retourner dans leur tombe car une fois passés les divers portiques et portes de ce transport underground au demeurant fort pratique, « l’homme est un loup pour l’homme ». Un homme qui court après le temps, dévalant escaliers et escalators quel que soit son âge (enfin presque) quitte à vous bousculer allègrement pour pouvoir se faire écraser par les portes d’un métro sur le départ.

Pourtant, le métro parisien et ses seize lignes qui quadrillent la ville restent le moyen de transport le plus usité et l’entreprise publique qui exploite ces lignes, ainsi que la Mairie de Paris, font de leur mieux pour accueillir les usagers et lutter contre la mauvaise réputation de l’accueil parisien. « Mauvaise réputation », mais pourquoi donc ? Not English Speaker ? « Ce kiosque n’est pas un bureau d’information » ? Ne vous inquiétez pas, un changement brutal de mentalité est en cours. Pour s’en convaincre, il vous suffit de faire halte dans l’un des stands installés pour l’été dans diverses stations, tenus par des jeunes qui prennent très à coeur leur tâche qui consiste à ce que les touristes visitant Paris repartent le sourire aux lèvres en répétant en boucle « I love Paris ». Un enthousiasme et un sens du service garanti à la condition d’une affluence minimale qui permette à ces jeunes gens de rester éveillés…

Le métro, un espace de civilité et de convivialité

Suivant les louables principes que semble s’assigner Paris et a fortiori ses habitants, le métro doit être un espace serviable régi par les règles de la bienséance (naturelle et inculquée par l’éducation). Comme ces règles n’étaient pas évidentes pour tous les usagers, des marquages au sol jaunes ont par exemple été tracés sur les quais de la ligne 13 du métro afin de retenir les personnes désirant monter dans les voitures sur le côté dans le but de laisser descendre tranquillement les personnes arrivées à destination. Priorité donc à ceux qui descendent et politesse de rigueur surtout pendant les heures d’affluence où vous risquez de rencontrer des spécimens envahis par la nervosité dont la patience n’est pas la qualité première.

Le métro est également ce lieu cosmopolite au carrefour de diverses cultures et modes de vie où vous pourrez rencontrer, entre autre, de nouveaux talents venus du monde entier vous exposer leur art, en toute gratuité mais à votre bon coeur. Le caractère chaleureux de ce lieu de rencontre où vous bénéficiez en général d’un contact direct avec les personnes qui vous entourent (pour ne pas dire vous collent) n’est donc plus à démontrer.

Vous l’aurez compris, comme dans tous les autres lieux publics, le métro est un terrain d’investigation sociologique unique au monde si vous savez en distinguer les différentes populations qui l’empruntent selon les heures et observer les espaces de liberté que se créent les usagers par rapport aux règles (de bon sens, je le répète), que je viens brièvement d’énoncer.

Par ailleurs, d’autres avantages mal connus des deux premières catégories de personnes que j’ai présentées (les expatriés et les touristes) doivent être pris en compte pour comprendre l’attachement des Parisiens à « leur » réalisation qu’ils célèbrent d’ailleurs dans plusieurs stations. En effet, il faut avoir en tête la satisfaction que représente le métro pour les parisiens, car c’est un lieu où la chaleur, à défaut du soleil, est toujours au rendez-vous. En ces temps où la capitale attend toujours un été que l’on espère maintenant indien, cela n’est guère négligeable (néanmoins, on se contente aussi de cette situation peu estivale qui, pour le moins, évite aux odeurs peu recommandables de perturber vos sens). Originaires du sud de la France, vous retrouverez alors un peu de « chez vous » même si la concentration en dioxyde de carbone et en CFC y est pour quelque chose. Quoi qu’il en soit, étant en vacances ou de passage, vous aurez la positive attitude, donc, no panic ! D’autant plus que vous êtes judicieux, vous avez choisi de visiter la capitale en août : pas un Parisien à l’horizon (phénomène d’héliotropisme bien connu)… votre quiétude semble pouvoir être préservée. Vous qui êtes « expatriés » en revanche, le mal du pays vous gagne car quelques mois passés dans le « nord » hostile aura raison de votre optimisme. Tout ce que vous ressentez désormais de la chaleur, lorsque le temps extérieur est plus approprié à la saison, c’est que vous vous délestez de trois kilos à chaque trajet et que vous finissez votre été enrhumé comme vous ne l’aviez jamais été en plein hiver d’une rudesse exceptionnelle dans votre sud natal.

Voyez-vous, malgré la simplicité apparente de ce moyen de transport, sa spécificité est réelle et quelques petits conseils pratiques de plus vous permettront de le maîtriser et de passer un séjour agréable dans la capitale. Pour se faire, entrons dans le vif du sujet : les véritables règles qui régissent le comportement humain souterrain, inventées et appliquées à la lettre par les métropolitains autochtones.

Petit guide du code métropolitain autochtone

Derrière cette apparente rigueur dans l’application des règles de bonne conduite se cache en effet une jungle qui a ses propres codes. Pour survivre en ce milieu hostile, il est donc plus prudent d’en connaître les rudiments. Au gré de l’évolution de la machine et des comportements humains, des règles coutumières se sont mises en place et garantissent un certain ordre dans cet « état de nature » auquel les hommes reviennent toujours lorsqu’ils sont en ces lieux.

Première loi : la loi du plus rapide. Il faut le savoir, tenir votre droite à la montée des escalators ou lorsque vous empruntez les tapis roulants, garantira votre sécurité. A ceux qui prendraient ces formidables commodités pour ce qu’elle sont, à savoir, une chance pour les personnes moins bien en forme que la plupart des métropolitains autochtones qui n’ont pas le temps de penser que leur rotule les fait souffrir ou qu’ils vont seulement gagner deux minutes sur leur trajet leur permettant d’arriver à temps pour leur feuilleton préféré (ça détend !), détrompez-vous ! Les escalators et les tapis roulants, selon le code métropolitain autochtone en vigueur, servent uniquement à perdre le moins de temps possible, c’est pourquoi il est vivement conseillé d’y continuer votre course effrénée au lieu de profiter des avantages qu’ils offrent. Un manquement de votre part à ce code vous vaudrait soupirs de buffles et ruminations en tous genres : veillez donc à entretenir votre corps d’athlète. Cette loi vous induira également à vous entasser comme des sardines dans le wagon qui vous permettra d’attraper au vol votre correspondance en tombant « pile » en face de votre sortie lorsque vous arriverez à destination. Inutile donc de chercher de la place où il y en a : poussez, vous rentrerez ! Et puis, être expulsé directement en face du bon couloir vous fera gagner de précieuses secondes. Comportez-vous ensuite comme si votre vie était en jeu et ignorez le regard des autres. Dans tous les cas, vous avez une chance sur un million que quelqu’un ose ouvrir la bouche et vous réprimander : vous avez tout bon, continuez. N’oubliez cependant pas de vous déplacer au moins une station avant pour être certain d’être le premier devant la porte.

Deuxième loi : la loi du silence. Cette seconde loi découle de la première ou plutôt la garantit. En effet, la règle est de ne jamais intervenir en cas de problème qui concerne une autre personne que vous-même. Laissez faire, sinon, vous risquez d’une part, de vous ingérer dans les affaires personnelles d’autrui, ce qui est tout à fait impoli, et, d’autre part, d’attirer l’attention sur vous et même pire : de récupérer le problème en question. Non non non, votre journée a été assez dure, terrez-vous dans votre mutisme, cela vous sera plus utile ! Vous devrez également ignorer plaintes, réclamations ou simples demandes vous étant adressées directement ou indirectement.

Troisième loi : la loi du plus fort. Imposez-vous, ou vous n’êtes rien au regard des métropolitains autochtones. Soyez sur les starting blocks dès l’annonce de l’arrivée de votre métro et dès l’ouverture des portes, ruez-vous vers tout espace vacant qui vous permettra de trouver une place assise quitte à passer devant un déviant qui attendait patiemment que les personnes descendent. Vous êtes assis, vous êtes un winner ! Si la lutte pour la place assise est désormais des plus classiques, celle de la descente des escaliers menant aux quais est de l’ordre de la compétition et peut provoquer l’hystérie. Car ceux qui sortent veulent aussi faire au plus vite ; ils envahissent votre espace vital. Une seule solution (plus efficace que toute tentative verbale ou encore tout raisonnement) : jetez-vous dans le tas ! Il en va de même pour descendre du wagon alors que les métropolitains autochtones cherchent à entrer par tous les moyens avant que vous ne descendiez. Avec une valise de vingt kilos que vous devez vous traîner ou encore une poussette, la chose est moins aisée mais le goût du challenge vous fera avancer. Tel un pilier de rugby su Stade Toulousain : FONCEZ !!! Vous êtes dans votre bon droit (priorité à ceux qui descendent), donc allez-y de bon coeur et place se fera !

Quatrième loi : la loi du chacun pour soi. Cette loi englobe avec assez de justesse toutes les autres, car ce qui compte, c’est vous et c’est en vertu de ce principe que vous vous devez de protéger votre précieux temps, de veiller à votre confort personnel, d’être la meilleure. Pourquoi aller aider quelqu’un qui reste avec ses bagages aux pieds de l’escalator en panne alors qu’il ne fait que gêner et qu’il vous ferait perdre du temps ??? No way, vous avez autre chose à penser (loi du plus rapide) et puis c’est un touriste, il doit simplement se reposer et peut attendre qu’un agent de la RATP vienne vers lui : passez votre chemin sans broncher en prenant l’air très pressé et préoccupé (loi du silence). Selon cette quatrième loi toujours, la tranquillité des gens ne fait pas partie de vos priorités, qu’on se le dise ! Or, selon la loi du plus rapide, c’est pour vous un gain de temps que de téléphoner dans le métro car vous ne faites pas partie de ceux qui ont recours à d’ingénieux stratagèmes pour résister aux secousses et coups de frein intempestifs et ne lâcher le livre qu’ils sont en train de lire en aucune circonstances. Vous pouvez donc crier aussi fort que nécessaire afin d’outrepasser les bruits et crissements de cette machine roulante infernale.

Au terme de ces quelques conseils, vous conviendrez aisément que prendre le métro, aussi anodin que cela puisse paraître pour les métropolitains autochtones, en accord avec le célèbre triptyque « métro-boulot-dodo », n’est pas aussi banal que cela, surtout d’un point de vue extérieur. Courir jusqu’à perdre haleine, être aveuglé par cette quête perpétuelle du gain de temps à tout prix rend ce moyen de transport difficile à apprivoiser pour le touriste ou l’expatrié que vous êtes peut-être. Comme j’ai tenté de le démonter, cette apparente anarchie cache des règles très strictes, brouillées ou accentuées par la diffusion d’un stress communicatif. Vous êtes désormais prêt pour l’expérience !

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter bonne chance pour affronter ces moeurs étranges et survivre à l’épreuve quotidienne du métro parisien.

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